L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
Il vient de publier « Internet, le nouveau presbytère ou comment rassembler des brebis avec des souris » (Artège, octobre 2016). Il a bien voulu répondre aux questions du Rouge & Le Noir.
R&N : Votre nouveau livre s’intitule « Internet : le nouveau presbytère ». Est-ce à dire que les gens viennent désormais plus facilement discuter avec un prêtre caché derrière un écran que face à face à l’église ou au presbytère ?
Abbé Amar : Pour ceux qui sont loin de l’Eglise, oui. En ce sens, cliquer depuis sa table de travail ou son smartphone est d’une facilité déconcertante et moins engageant que de franchir le portail d’une église, d’ailleurs pas toujours ouverte. Et si de l’autre côté, un prêtre est disponible et prêt à écouter, tout est possible. L’expérience du groupe de prêtres que nous formons sur Padreblog confirme cette réalité. Nous recevons des dizaines de messages par semaine de gens qui se livrent, se confient. Internet désinhibe, pour le meilleur et pour le pire. Il a même une vertu confessionalisante ! En fait, l’erreur serait de croire que le web n’est qu’un média. Or, il est un lieu, « un nouveau continent » disait le pape Benoit XVI. Il faut y annoncer le Christ et son évangile.
R&N : Comment faire pour qu’une fois le contact établi, le dialogue continue physiquement dans la vie réelle et ne se borne pas au virtuel ?
Abbé Amar : C’est tout l’enjeu ! Passer de la rencontre virtuelle à la rencontre réelle, de l’URL à l’IRL (in real life) si vous préférez… Un tweet de 140 caractères est vraiment trop court pour un dialogue en profondeur ; un commentaire sur les réseaux sociaux également ; et le mail a ses limites. Les chrétiens sont les disciples de l’Incarnation, c’est-à-dire d’une rencontre physique, charnelle, entre Dieu et les hommes. Pour sauver l’humanité, le Père n’a pas envoyé une lettre ou un mail, mais… son fils ! Mais il serait hâtif de penser que le web ne peut jouer aucun rôle. Il peut au contraire s’acquitter d’une belle mission : faire connaître Jésus-Christ, faire du buzz à son sujet, un peu de la même façon qu’il s’est fait connaître il y a deux mille ans en Palestine, poussé par une rumeur qui est le plus vieux média du monde : le bouche-à-oreille. C’est ce que dit Saint Paul dans sa lettre aux Romains : « Comment entendre si personne ne proclame ? » (Rm 10, 14). Si les gens n’entendent pas parler du Christ, comment vont-ils le rencontrer ? La première étape est donc de le faire connaître. Internet est pour cela un vecteur puissant. Reste ensuite à le rencontrer. Il me semble que c’est impossible sur le Net mais parfaitement possible dans trois lieux bien connus des chrétiens, et j’espère de vos lecteurs : l’Évangile, les sacrements, la prière.
R&N : Dans La société de masse et sa culture, Etienne Gilson déclarait « Il ne manque pas de gens pour aimer mieux suivre les offices sur le petit écran plutôt que traverser la rue pour y assister en réalité. Quand on perd ainsi contact, le courant ne passe plus. Tourner le bouton de la télévision deviendra bientôt trop pénible ; après s’être contenté de l’image, on se passera de la réalité ». Le danger n’est-il pas encore plus grand, 50 ans après, avec l’explosion du numérique ? Le développement sans limite du virtuel ne met-il pas en danger la vie sacramentelle ? N’y a t-il pas un risque de voir se développer une ’numérisation’ des sacrements. Je pense particulièrement à la confession ou à l’eucharistie (ou plus exactement à l’assistance à la messe) ?
Abbé Amar : J’évoque très clairement cette question dans mon ouvrage. A vrai dire, elle s’est déjà posée lors de l’invention du téléphone : peut-on recevoir l’absolution au bout du fil ? Or, un sacrement, c’est toujours une rencontre et un événement : pas de baptême sans eau qui mouille, d’onction des malades sans huile qui coule, de communion sacramentelle sans hostie consacrée, ni d’ordination sans imposition des mains ! Ce que l’on voit au cours de l’émission Le Jour du Seigneur, même en direct, n’est pas la réalité : c’est une image de la réalité. La situation est également fort voisine lorsque des fidèles participent à une célébration au cours d’un grand rassemblement d’Église du type Frat’, JMJ ou canonisation à Rome, agglutinés derrière un grand écran, du fait de leur éloignement par rapport au lieu de présidence. Là aussi, on n’a pas la réalité mais une image de la réalité. Il semble pour autant délicat de conclure hâtivement qu’il ne se passe rien. Ne vit-on pas quelque chose, de l’ordre d’une communion spirituelle ? Une ferveur partagée ? Et si Internet pouvait lui aussi favoriser tout cela ?
R&N : Une paroisse est le lieu de rassemblement d’une communauté chrétienne autour de son pasteur. Faut-il s’attendre à voir apparaître des paroisses numériques ?
Abbé Amar : Pas vraiment. Mais des communautés numériques oui ! Lorsque je me couche le dimanche soir, après mes trois messes du jour, j’ai parlé à environ 600 personnes. Lorsque je fais un tweet, je m’adresse à 15.000 personnes ! Mon confrère l’abbé Grosjean à 35.000 ! C’est bien plus qu’en une seule année d’homélies. Il me semble que ce serait un tort de s’en priver. Internet est une chance : il nous donne l’occasion de témoigner, réagir et mobiliser.
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