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[LOI TAUBIRA] Première victoire culturelle

19 novembre 2014 Bougainville ,

La frénésie médiatique ne retombe pas, plusieurs jours après le meeting de Sens Commun du samedi 15 novembre : que Nicolas Sarkozy ait effectivement l’intention politique de revenir sur la loi Taubira, ou que le mot magique d’ « abrogation » lui ait été arraché de force par un public grondant, le débat est relancé.

Les juristes répètent une réalité volontairement dissimulée : le mariage homosexuel peut être abrogé, tout dépend du désir du législateur. Techniquement, juridiquement, rien ne s’y oppose. Politiquement, la tâche n’est pas impossible. Les Français se désintéressent massivement de la question, mis à part leurs inquiétudes sur la PMA et la GPA. Remplacer le mariage gay par une union civile ne susciterait sans doute pas un mécontentement populaire. Il est vrai que les ténors de l’UMP et les barons de l’UDI s’y refusent pour le moment. Mais le rapport de force à changé : on nous répétait qu’envisager, imaginer seulement, l’abrogation de la loi Taubira était impossible. Depuis quelques jours, et devant la mollesse de la gauche à défendre sa réforme, on se met à en débattre, à imaginer toutes les options.

Cette situation est une victoire de Sens Commun, et à travers ce mouvement, de la Manif Pour Tous. A peine un an après sa création, la formation a réussi l’exploit de devenir visible, et d’imposer ses thématiques à l’UMP. Rassembler les trois candidats à la présidence du parti, et les soumettre à la question n’était pas rien. Il faut évidemment transformer l’essai, surveiller que les paroles soient suivies d’actes. Nous l’écrivions lors du lancement de Sens Commun, en avril 2014 : même s’ils ne doivent pas s’enfermer dans une seule thématique, les cadres et les militants n’ont aucune intérêt à abandonner leur objectif fondateur de voir la loi Taubira être renversée.

Espérer cela, ce n’est pas naïvement dire « amen » à Nicolas Sarkozy. L’homme qui a enterré le référendum de 2005 sur l’Europe est aujourd’hui celui qui préconise de sortir de Schengen. Il l’avoue lui-même en privé : il n’a pas de colonne vertébrale idéologique, il est prêt à s’adapter à tout, à changer d’avis sur tout, pourvu qu’on le lui explique. Par ailleurs, il n’a pas l’entièreté reconnue d’Hervé Mariton sur le sujet. L’ancien Président de la République est sincèrement persuadé que l’homosexualité et la sexualité entre un homme et une femme sont équivalentes. Il le répète en public et en privé. Il est honnêtement désireux d’accorder une visibilité au couple homosexuel. Même si Sens Commun parvient à maintenir Sarkozy prisonnier de l’engagement ambigu qu’il a pris samedi dernier, l’issue ne pourra être qu’une union civile, un « mariage pour homosexuels ». Soit un compromis intenable, qui prête lui-même le flanc à la critique. Mais même superficiellement, le symbole du retour sur la loi Taubira marquerait un coup d’arrêt à la course aux désirs modernes.

Abroger le mariage gay dépend de la volonté des politiciens. Sens Commun et ses sympathisants doivent maintenir la pression sur l’UMP. Ne pas les lâcher. S’il existe une maigre chance de revenir sur la loi Taubira, elle réside dans le poids et la combativité des défenseurs de la famille. La victoire est à ceux qui tiennent le dernier quart d’heure. Peut-être les ténors qui paradaient à la tribune se défausseront-ils, mais au moins les manifestants d’hier ne pourront pas dire qu’ils n’ont pas essayé. Nous l’écrivions, c’est un « pari », pas une certitude. Mais il vaut le coup d’être tenté.

C’est pourquoi les critiques gratuites sur la naïveté des dirigeants de Sens Commun, sur la perte de temps que leur engagement représente, sont pernicieuses. Dans la bataille culturelle, il faut s’entre-aider. On ne peut combattre le sectarisme idéologique si on l’intègre soi-même. Certains de ceux qui critiquent Sens Commun ne font pas mystère de leurs préférences pour le FN, d’ailleurs silencieux depuis samedi dernier [1] Ils en ont le droit, le combat politique n’est pas dans un seul parti, mais, précisément, ils se trompent en croyant que le leur est le seul « aux mains pures ». Le FN est pétri depuis sa création de la croyance qu’il est le Chevalier blanc face aux autres formations. Le parti des Le Pen préfère laisser la maison brûler, y compris la sienne, plutôt que de voir d’autres pompiers que lui maîtriser l’incendie. C’est la politique du pire, et elle n’est pas meilleure que celle des compromissions.

L’évènement de Sens Commun était une véritable réussite, symbolique, donc culturelle. Il faut qu’il se traduise politiquement. Ne soyons pas dupes. Ne plaçons pas d’espérances démesurées dans l’entreprise. Mais encourageons donc leurs efforts. Car « qui n’est pas contre nous est pour nous » (Marc 9:40).


[1Que propose le FN ? L’abrogation, dit Marine Le Pen. Mais après ? Poser la question aux dirigeants du Front, c’est avoir de nombreuses réponses différentes : union civile pour la tendance Philippot, PACS amélioré pour Nicolas Bays, PACS inchangé pour Marion Maréchal-Le Pen. Il n’y a pas de consensus au Front sur le sujet, qui passe d’ailleurs bien après les questions économiques ou « identitaires ».

19 novembre 2014 Bougainville ,

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