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La Nouvelle Isle de France doit être à l’image de la Nouvelle Israël

L’éminent Vivier du Lac a fait état récemment dans les colonnes du R&N d’un projet de renouveau baptisé « Nouvelle Isle de France ». Les échanges qui s’en sont suivis illustrent le malaise que fait naître inévitablement ce type de desseins chez les Français dont le cœur saigne depuis la Révolution de sinistre mémoire initiée en 1789.

C’est à bon droit que s’expriment certaines réactions qui confinent au réflexe ; elles sont le reflet d’une vigilance que n’érode pas le poids de l’habitude. Tout, pourtant, pousse à prendre le pli de l’esprit démiurgique qui habite le monde. En France plus qu’ailleurs, la tradition de pensée dite positiviste, la présomption des disciplines qui se proclament « sciences » humaines, la bataille acharnée que mène la république contre l’ordre naturel, tout concourt à faire un demi-dieu de tout un chacun. À l’inverse, que des voix s’élèvent spontanément pour dénoncer la méthode de la table rase doit nous rassurer.

Encore faut-il, une fois l’émotion passée et les esprits refroidis, examiner ce que l’on nous propose et distinguer ce qui relève du plus coupable constructivisme d’avec un authentique projet de réforme — la méthode du gouvernement conservateur de toujours.

Or en l’espèce, un esprit habite la Nouvelle Isle de France, qu’il faut séparer dans un premier temps de sa mise en application.

C’est cette dernière en effet qui cristallise les antagonismes. L’image de l’île vierge, en pleine mer, accueillant une troupe d’exilés, convoque très vite celle de la tour d’ivoire dans laquelle s’enfermerait une vertu trop farouche. Elle ne laisse d’appeler le rêve, les contes pour enfants et ceux pour adultes, elle exalte les attraits de la refondation. Si nous nous gardons de penser à Robinson Crusoé, que l’on songe au moins à ce curieux objet littéraire qu’est Survivance, quadruple récit armant un roman commis par Alain Monnier en 2002 ; on se fera ce faisant une idée distincte du dérisoire des grandes équipées vers la terre promise.

Mais récuser la volonté d’exil insulaire des tenants d’une Nouvelle Isle de France ne signe en aucun cas la condamnation du projet, bien plus fondamental, de renouveau qui la sous-tend.

Nous, Français, sommes déjà en pleine mer. Les prises matérielles qui sont notre lot de servitude, les lois de la république, les délimitations frontalières et tout le corpus de l’antique droit des gens nous sont autant d’étendue plane, liquide et hostile au milieu de laquelle nous surnageons. Le déplacement géographique, celui qui se mesure par les coordonnées polaires du monde d’ici-bas, ne nous permettra jamais d’en sortir. Nous aurons beau parcourir mille fois la finitude immense de la mer qui nous entoure, nous n’émergerons jamais de nous qu’un bout de corps physique auquel son essence pondéreuse imprimera toujours le mouvement de la chute par le fond.

Trouver un bout de pierraille plus ou moins éloigné, plus ou moins accueillant, y édifier une chapelle, quelques cases, une ferme commune, rien de cela ne préservera les exilés des assauts des conventions internationales ni des querelles de souveraineté.

Pire, cette mesure d’éloignement volontaire signerait la désertion des âmes « de bonne volonté » louées — à raison — par Vivier du Lac. En temps de guerre, les soldats se battent sur le front. En temps de paix, il leur est fait obligation de recevoir, de faire fructifier et de rendre à leurs enfants l’héritage qu’ils tiennent de leurs ancêtres. De l’Écriture gardons en mémoire la parabole des talents, et la sanction réservée au mauvais serviteur — celui qui faute de travail, enterrant le bien confié, ne put entrer dans la gloire de son maître. Songeons à la vocation particulière de la France, et à quel point naître Français oblige.

Nous nous interdisons de sonder les intentions. Vivier du Lac et les tenants du projet de la Nouvelle Isle de France ont prouvé la bonté et l’excellence des leurs. Nous adressons en revanche une fraternelle mise en garde. Qu’on se détrompe sur le sens de cette dernière, car elle est tout sauf un ultimatum ou un acte d’instruction. Mettre en garde n’est guère que susciter l’attention, du moins la tenir alerte. Voici ce que nous leur disons :

La réflexion des chrétiens de bonne volonté devrait en tout état de cause les conduire à l’imitation du Christ. La Croix est notre porte vers la sainteté. S’il nous est nécessaire de subir l’outrage, la violence, le martyre, auprès de la parcelle de la Création dont nous sommes dépositaires par la volonté divine, que cette coupe nous soit imposée.

Si nos actes peuvent susciter le plus petit commencement de rédemption, sur cette Terre, de la nation française, alors agréons à ce dessein de la Providence, et choisissons de suivre la voie tracée par le Fils de l’Homme lorsqu’Il établit la Nouvelle Israël, non pas en remplacement ni même à côté de l’Ancienne Alliance, mais en confirmation, renouvellement et perfectionnement de celle-ci.

La Nouvelle Isle de France ne pourra fleurir ni porter le moindre fruit si elle ne naît au sein même de l’ancienne Île-de-France, si elle n’en confirme et renouvelle la fonction de cœur vivant de la nation française, si elle n’investit l’héritage de cathédrales, d’emblèmes et de champs de bataille légué par les siècles, si elle n’œuvre pas, comme la longue suite de nos prédécesseurs, au perfectionnement du legs français de toute antiquité dans le devenir perpétuel de la Création.

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