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[Civitas 1/5] Qu’est-ce que Civitas ?

Si j’ai voulu ce débat sur Civitas, c’est pour répondre à un besoin pressant de notre lectorat bien-toléré de se prononcer sur Civitas et de se prononcer librement. La liberté intellectuelle comme spirituelle du Rouge & du Noir, vous la connaissez à force de nous voir naviguer entre les différentes coteries catholiques, sans jamais s’attacher à aucune, par peur d’échouer sur Charybde ou de sombrer sur Scylla, ou pire ! de s’endormir faméliques sur l’île d’Hélios et de ses boeufs.
Le R&N n’est l’épigone de personne, sinon de Pierre et de son successeur. Le R&N n’admet aucun maître, mais accueille en son sein tous les amoureux de Rome. Et il s’en trouve qui fricotent avec Civitas quand d’autres la vomissent. Alors, les deux partis se retrouvent parfois pour causer dans notre gazette : voilà l’objet, en plusieurs parties, de leurs discussions.

Qu’est-ce que Civitas ?

Tancrède : Civitas se définit comme un lobby catholique attaché à la foi traditionnelle de l’Eglise, et pour ces raisons, défend dans la société un certain nombre de valeurs qu’elle estime devoir être défendues de toutes les manières qui soient, car l’association s’oblige au résultat plutôt qu’aux moyens. S’il faut que le mariage homosexuel ne soit pas autorisé en France, tous les moyens seront mis en œuvre, même les plus bruyants. Elle ne veut avoir le regret de n’avoir pas assez fait. Les gens qui la composent sont de bonne foi et défendront leurs principes quoi qu’il arrive.

Carl Moy-Ruifey : Lobby : auprès de qui ? Une obligation de résultats : quels résultats jusqu’à présent ?

Tancrède : Civitas se définit comme lobby dans le sens où elle aimerait influencer la société et être entendue par les parlementaires. Elle veut créer le débat et y réussit assez bien pour l’instant. Le premier résultat, c’est d’avoir fait parler d’elle, et parler d’elle au point que de nombreux ecclésiastiques, de hauts prélats y compris, se sont dit : "Oh mon Dieu ! Nous risquons d’être doublés par cette association qui ne nous représente pas, montons nous aussi au créneau." Son premier mérite est d’avoir suscité une réaction, même hostile, en tout cas salutaire du clergé français qui lui-même s’est engagé dans le débat.

Bougainville : Vous avez bien expliqué ce qu’est Civitas en tant qu’organisation attachée à l’enseignement traditionnel de l’Eglise. Je définirais plutôt cet Institut comme l’épouvantail préféré du lobby pro-mariage gay. J’étais le 11 septembre au Sénat pour une conférence publique sur la proposition de loi de la sénatrice verdâtre Esther Benbassa, visant à l’ouverture du mariage aux personnes du même sexe et à l’ordonnancement des conditions de la parentalité, et Civitas était dans la bouche de tout le monde : « La société est mûre, la société est prête, il n’y a que Civitas pour s’opposer. Civitas, Civitas, Civitas. » Et quand, quelques personnes, dans l’assemblée et dans l’assistance s’y sont opposées, notamment un pédo-psychiatre, tout le monde s’est récrié : « Ah Civitas a réussi à s’infiltrer ! » Quand vous regardez les conversations ou les titres des organisations LGBT, tout tourne autour de Civitas. Je me suis rendu aux Etats-Unis cet été : les groupes gays français imitent beaucoup les structures américaines équivalentes, lesquelles se sont construits leur position de victime à cause d’une toute petite secte baptiste du Kansas qui, comme Civitas, était très bruyante.


Cette photo est le rêve du lobby LGBT français, qui aimerait tant avoir l’équivalent en France.

Ils vont certes plus loin que Civitas, puisqu’ils arborent des pancartes « God hates fags » (ndlr : Dieu déteste les pédés). Cette secte n’est pas représentative des opposants au mariage homosexuel aux Etats-Unis, mais grâce à elle, la communauté LGBT a pu proclamer : « Regardez ! Nous sommes victimes de l’intolérance religieuse ! ». A ce niveau-là, il y avait un vide en France : les groupes gays n’avaient pas de groupe caricatural à brocarder si facilement... Et Civitas s’est offert. De ce fait, cet Institut est une épine dans le pied de tous ceux qui sont attachés à la vraie famille, car les promoteurs de cette loi ignoble ne cessent d’assimiler tous les opposants au « mariage pour tous » à Civitas. Aujourd’hui, ces mêmes promoteurs sont dépassés par un mouvement beaucoup plus large de la société civile, porté par des personnes de tout métier, de toute appartenance religieuse, de tout parti politique. A mon sens, ce mouvement est bien plus efficace. Nous sommes dans la même barque, nous avons les mêmes objectifs, mais la méthode n’est pas le même. Tant que Civitas maintiendra sa stratégie bruyante, provocatrice et prosélyte, le lobby pro-mariage gay se pourléchera les babines.

Tancrède : Il est vrai que j’ai défini Civitas dans son rapport à la Tradition. Toutefois, il ne faudrait pas la circonscrire pour cette raison à un cercle clanique et "fermé" de catholiques. Civitas accueille en son sein des athées qui ont intérêt à défendre à l’Eglise catholique pour les valeurs culturelles qu’elle porte.
Je suis d’accord pour dire que nous sommes dans la même barque et je me félicite que Civitas partage ces valeurs avec des évêques et des spécialistes. C’est tout à fait louable. Et justement, si tout le monde se plaint du bruit causé par Civitas, c’est peut-être parce que l’on entendait pas les autres. Au fond, l’idée, c’est de se faire entendre. Le bruit, c’est-à-dire la provocation, est une excellente méthode de communication.

Carl Moy-Ruifey : Pour terminer la présentation et parce que cela est souvent évoqué : quels sont les liens précis de Civitas avec la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X (FSSPX), s’ils existent ?

Tancrède : Civitas est une émanation de la FSSPX, ses aumôniers en sont issus. Leur fondement doctrinal est celui de la FSSPX. Cela dit, ce n’est un bras armé de la FSSPX : ses fondateurs et ses membres sont des laïcs, indépendants en cela de la FSSPX. Ils agissent comme ils l’entendent.

Carl Moy-Ruifey : Bougainville, selon vous, Civitas est un repoussoir. L’Eglise l’était du temps du PACS, par exemple. Le cardinal Barbarin en a fait les frais. Si les homosexualistes n’avaient pas Civitas, l’Eglise aurait naturellement rempli cette office, à supposer que ce ne soit pas le cas actuellement, n’est-ce pas ?

Bougainville : Civitas est une aubaine supplémentaire. La doctrine de l’Eglise est connue. L’Eglise est encore assez représentative au sein de la société civile Français. En somme, elle est mieux établie que Civitas pour faire entendre son point de vue. Et puis, je ne pense pas que le discours de l’Eglise soit le même que celui de Civitas. Il est entendu que nous souhaitons tous le salut des âmes et que nous défendons tous la loi naturelle. Mais dans la méthode et le discours, l’Eglise est beaucoup plus prudente que Civitas, qui prête beaucoup plus le flanc à la critique. L’Eglise fait aussi et surtout beaucoup d’efforts pour montrer son amour infini des personnes.

Tancrède : En quoi le discours de Civitas est-il différent ? Civitas n’a jamais été pris, il me semble, en flagrant délit de discours "homophobe". On y confesse aussi que la Miséricorde infinie de Dieu s’étend à tous les hommes.
La vraie question est : en quoi Civitas gêne l’Eglise ? Pourquoi est-elle sous les foudres des homosexualistes comme de l’Eglise ? Je crois que c’est parce qu’elle fait le travail que certains évêques ne font pas ou ne font plus. En cela, elle provoque bien davantage les évêques que les lobbys gays : elle les provoque à prendre la parole contre ces coteries homosexuelles. Ce sont les évêques qui, lésés, reprennent alors leur pouvoir. Et là, Civitas disparaît ...

Deuxième partie : Que font les évêques ?

Troisième partie : Les méthodes de Civitas

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