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Josef Pieper (1904-1997) est un philosophe allemand catholique du XXe siècle des plus remarquable. Ce n’est que depuis quelques années que ses œuvres commencent à être vraiment connues et diffusées en France. Grâce à la collaboration de Jean Granier qui a déjà contribué à la traduction française de quelques uns de ses ouvrages aux éditions Ad Solem et Pierre Téqui, ces dernières offrent à présent au public francophone Le Quadrige, un livre consacré aux vertus cardinales de prudence, justice, force et tempérance.
Il s’agit de la réunion en un seul volume de quatre opuscules parus séparément entre 1934 et 1953, à Munich : Du sens de la force, Traité sur la prudence, Discipline et mesure et enfin De la justice. Dans la présente édition, il est cependant précisé que quelques chapitres des textes originaux ont été omis afin d’abréger l’ensemble. Pieper est un auteur apprécié de Benoît XVI qui, selon la présentation de l’éditeur, l’a appelé son « docteur de l’Église personnel » ; il ne fut pas moins prisé d’Hans Urs von Balthasar.
Il faut signaler aussi la stimulante préface du P. Albert-Henri Kühlem, op, qui est l’auteur d’une thèse de doctorat consacrée à Josef Pieper, soutenue à l’université de Fribourg (Suisse). Celui-ci nous introduit au retour en grâce de la notion de vertu en philosophie et en théologie. La notion est commune dans l’Antiquité grecque, selon Pieper : « Si évidente est pour le contemporain de Socrate cette façon de penser, héritée de la réflexion la plus antique : non seulement le concept de “vertu”, qui signifie la rectitude de l’homme, mais aussi la tentative de la formuler sous ce quadruple spectre » (p. 25).
La vertu a été assumée en christianisme en même temps qu’on s’efforçait d’intégrer la philosophie de Platon et d’Aristote. Mais, est-il relevé dans l’Avant-propos, c’est peut-être ce qui lui a valu une certaine méfiance : « trop “philosophique” et [...] pas assez “biblique” » (p. 26). Il est d’ailleurs manifeste que le ‘Catéchisme de l’Église catholique n’a pas souhaité rompre avec une tradition à la fois bien ancrée et tout-à-fait biblique de présenter la morale de l’Église à travers l’énumération des commandements du Décalogue.
Pourtant, il faut relever qu’à la fois en philosophie contemporaine et à la faveur du renouveau des études théologiques thomasiennes, la vertu a été redécouverte avec profit. Au plan philosophique, il faut ainsi signaler l’ouvrage fondamental, traduit aux PUF en 2013, du philosophe écossais Alasdair MacIntyre, Après la vertu. En théologie, on doit au P. Servais-Théodore Pinckaers (1925-2008), op, le renouveau post-conciliaire d’une morale fondée sur une liberté de qualité et qui n’est autre qu’une morale du bonheur et des vertus, à l’école des Pères et de S. Thomas d’Aquin ; plutôt qu’une morale du devoir fondée sur une liberté d’indifférence. Il n’est pas dans le propos d’une recension de développer cela, mais nous citons volontiers la préface du P. Kühlem qui en donne un bon exemple d’illustration : « Quand on parle de la paresse, elle est définie en général et habituellement par le refus d’accomplir des tâches nécessaires : le paresseux ne fait pas ce qu’il devrait faire. Pour Thomas, en revanche, la paresse est en fait le refus d’être ce qu’on devrait être, le refus d’accepter sa propre existence avec joie, comme elle est, d’être toujours dans la main de Dieu comme dans la main du potier qui continue son œuvre jusqu’à son achèvement » (p. 19).
Après la traduction en français de trois livres consacrés aux trois vertus théologale, cette nouvelle publication vient à son heure pour enrichir dans le public francophone la réflexion sur l’éthique des vertus. Ajoutons que Pieper ne manquera d’autant moins d’intéresser le public catholique qu’il est lui-même disciple de S. Thomas d’Aquin, dont le renouveau des études ne cesse de se poursuivre. Souhaitons que Pieper y trouve sa juste place.
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