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La première conférence s’est tenue ce samedi 25 octobre à Lille. Voici l’invitation nécessaire pour y rentrer.
Deux de nos lecteurs ont assisté à cette réunion. Voici leur témoignage :
Nous montons à l’étage et, après être passés par une antichambre où les portraits des maçons prestigieux sont exposés, nous entrons dans le temple et nous installons au deuxième rang, sur une série de chaises installées à même le damier. La conférence se présente donc comme une sorte de séance ouverte au public ; les maçons sont d’ailleurs très nombreux et ceux de l’obédience locale sont d’ailleurs assis à leur place. Impression étrange qu’ils sont « entre frères » et qu’ils se connaissent tous. Nous sommes très vite repérés comme éléments hostiles du simple fait de notre apparence et de notre attitude non complaisante.
Les deux barbouzes s’installent (bien sûr) à côté de nous. Ils passeront l’intégralité de à la conférence à nous fixer et vont nous suivre partout jusque dans les toilettes (situées dans ce que les maçons ont appelé la « salle humide », où se préparait d’ailleurs la sauterie post-conférence) avec nouveau contrôle d’identité à la sortie – la raison est que nous n’avons « pas le profil ».
Après de longues minutes où nous pouvons admirer l’agencement du temple (l’ensemble fait d’ailleurs faux et miteux ; les statues et les colonnes sont en plâtre et s’effritent, une impression de fin de règne en somme...), les interventions commencent bientôt et Daniel Keller prend place à côté du président du chapitre de Lille qui lui siège sur un trône ; les conférenciers interviennent sur ce qu’ils appellent la « résurgence de l’anti-maçonnisme ».
Plusieurs observations générales :
*les intervenants sont des maçons et s’adressent à des maçons avec des codes maçons ; derrière ce qui s’avère être une monumentale opération d’enfumage, d’autres informations ont donc pu être glissées sans que nous, profanes, ne puissions les comprendre.
*ces conférences ne visent absolument pas à contrer les arguments des anti-maçons ou à expliquer pourquoi ils ont tort ; le bien fondé des positions maçonniques et l’iniquité des adversaires est un postulat a priori ; le ton sera d’ailleurs celui de la victimisation permanente, les maçons étant d’après eux un groupe innocent ne cherchant depuis toujours que le bien de l’humanité et qui furent injustement persécutés en tous temps et en tous lieux jusque dans les pays où ils sont les plus puissants (États-Unis, Angleterre).
*l’argumentaire est uniquement factuel et historique ; jamais la question de la doctrine maçonnique n’est évoquée, ni la question du rôle que la maçonnerie a joué au nouveau national et mondial dans l’adoption de certaines lois anti-catholiques et anti-naturelles ; cela est une fois de plus « une vue de l’esprit ». Néanmoins, l’existence d’un puissant « lobby maçonnique » est évoquée par des allusions réservées aux initiés (sans jeu de mot) durant la conférence (à propos de l’Angleterre notamment qui vota une loi interdisant la maçonnerie dont l’exécution fut rendue impossible grâce à l’action de ce lobby).
Bref résumé des trois conférences :
*l’anti-maçonnisme au XVIIIe siècle : naissance d’un mythe moderne : le complot des francs-maçons par Daniel MORFOUACE
(Professeur de philosophie à l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation de l’Université d’Artois, il a dirigé l’ouvrage collectif Changer la République ? Changer de République ? et a contribué au Dictionnaire de la laïcité.)
Pas de surprise, on évoque le livre d’Augustin Barruel Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme et ses insuffisances ainsi que son manque de rigueur factuelle. On évoque les martyrs de la F. :M. : pendant la Révolution et la quasi-disparition des loges à l’aube du XIXe siècle. On insiste sur le côté mondain et inoffensif de la F. :M. du XVIIIe (« tout le monde veut en être ») qui compte nombre d’ecclésiastiques et où on ne trouve aucune hostilité à la monarchie.
D’après ce conférencier, les débuts de l’anti-maçonnisme ne datent pas de la condamnation papale de 1738 (bulle In eminenti apostolatus specula de Clément XII qui fut, je cite, « sans effet en France où le nombre des ecclésiastiques maçons ne cessa de croître » - ce qui en dit long sur le degré d’influence et les capacités de subversion des loges à la veille de 1789) mais bien du livre de Barruel qui « invente » le complot maçonnique.
* L’antimaçonnisme antirépublicain, du XIXe siècle aux persécutions de Vichy par Yves HIVERT-MESSECA
(Professeur honoraire et docteur en histoire. Ses travaux, au carrefour de l’histoire et de la sociologie, portent notamment sur la franc-maçonnerie et le protestantisme français pendant les XIX-XXe siècles).
Après les secousses de la Révolution, la Franc-Maçonnerie se transforme en un pouvoir « installé » qui devient le pilier des différents régimes qui se succèdent et qui n’est d’ailleurs pas spécialement républicaine avant les années 1870. Le conférencier avoue une complète fusion de de la maçonnerie et de l’État sous l’Empire napoléonien puis une collaboration (plus ou moins poussée, intéressée et sincère) avec les différents régimes (Restauration, Monarchie de Juillet, IIe République, Second Empire) jusqu’à la IIIe République où la maçonnerie « devient républicaine » (« sur 20 000 maçons en 1870, 10 000 anciens vont partir à la fin de l’empire et 12 000 nouveaux [républicains] vont entrer »).
Le clergé devient lui farouchement anti-maçon à ce moment-là sous l’effet du Syllabus de Pie IX, ce qu’il n’aurait pas été avant. L’Affaire Dreyfus ne fait que renforcer la défiance envers la F.:M. et l’associe à l’antisémitisme. Léo Taxil est évoqué pour discréditer les accusations portées contre les pratiques théurgiques et mystiques des obédiences.
Apogée de l’anti-maçonnisme sous le régime de Vichy, qui interdit totalement la F.:M. ( « Période noire » où à l’exception du Royaume-Uni, de la Suisse et de la Suède, la F.:M. : est interdite partout en Europe. Elle est même passible de mort en Espagne franquiste).
*L’Antimaçonnisme contemporain : résurgences et mutations, par Jiri PRAGMAN (Journaliste, il a fondé le Blog Maçonnique (www.hiram.be) et a notamment publié L’Internet est-il maçonnique ? et L’antimaçonnisme actuel. Il collabore à Franc-maçonnerie magazine et est à l’initiative de Masonica, la Journée du Livre maçonnique de Bruxelles.)
L’intervention en question fut cette fois-ci sans aucun intérêt. La victimisation de la maçonnerie atteint son comble. Le conférencier se contente d’une simple dénonciation des sites internet et caricatures « complotistes » diverses (qu’il projette d’ailleurs à l’écran sous les yeux effarés de l’assistance maçonne et amusés des nôtres) à seule fin de faire passer les anti-maçons pour des idiots (Dora l’Exploratrice, Dollar plié...). Les liens avec l’antisémitisme et l’antisionisme (Dieudonné) sont évoqués. Les accusations de satanismes sont balayées sur un ton humoristique sans que jamais elles ne soient démenties (une question portant d’ailleurs sur les accusations de satanisme ne trouvera pas de réponse après la conférence). Des plaisanteries sont faites sur l’Église catholique et Paul VI qui, disent-ils en rigolant, « était le seul non Franc-Maçon » sur une photo.
Nous avons droit enfin à un compte-rendu de Daniel Keller, grand maître du GODF (qui a d’ailleurs porté une attention très portée à nos personnes durant les conférences, nous observant presque autant que les barbouzes). Avec lui commencent (enfin) les références politiques explicites ; la Franc-Maçonnerie c’est la République, elle est son pilier idéologique et doit conduire l’Humanité vers le Progrès et un monde où l’homme est affranchi de toutes les autorités illégitimes. La formule « Hors de la République point de salut » est d’ailleurs utilisée.
Le récent renouveau de l’anti-maçonnisme associé à l’antisémitisme et l’antisionisme inquiète Daniel Keller bien qu’il insiste sur le fait que « 2014 n’est pas 1940 ».
En plus de cet excellent témoignage, nos deux infiltrés ont pu prendre quelques clichés des exposés :
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