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Largement mise sous les feux d’une actualité qui ne lui fait guère honneur, la figure du prêtre, et singulièrement celle du prêtre diocésain, véhicule une image trouble. Il faut donc saluer l’intense effort de réflexion qui vient à son heure pour la remettre sous un jour plus juste et surtout identifier les voies qui ont pu mener à des dérives. En s’attaquant à ce qui fonde la paternité du prêtre, le livre du P. Benoît-Dominique de la Soujeole, op, Paternités et fraternités spirituelles, est une contribution brève, mais intéressante et enlevée qui entend restituer au mot « père » sa juste signification. Le contexte des abus montre que cette paternité est sévèrement remise en cause, et n’entend-on pas comme un leitmotiv du Saint-Père la dénonciation du cléricalisme, source de tous les maux de l’Église ?
Il valait donc la peine de réviser certaines évidences un peu trompeuses : certes on peut bien dire que l’usage courant d’appeler « père » le prêtre (encore que cela soit bien récent, s’agissant du prêtre diocésain) se justifie à deux titres : il engendre à la vie de la grâce offerte par le Christ dans la prédication et les sacrements, et il est aussi « père » dans ce qu’on appelle communément l’accompagnement spirituel. Mais est-ce si simple ? Certes, il faut être prêtre pour célébrer l’Eucharistie ou le sacrement de Pénitence. Mais l’accompagnement peut être effectué par d’autres que le prêtre : ainsi d’une Mère abbesse qui accompagne une moniale. Et l’expérience montre que si beaucoup de grands maîtres spirituels ont été des prêtres, tous les prêtres ne sont pas doués du charisme d’accompagnement.
L’auteur relève ainsi que le magistère le plus autorisé et le plus récent semble éviter de présenter le prêtre comme un père pour les fidèles dont il a la charge : du moins est-ce le cas des documents du concile Vatican II, du Catéchisme de l’Église catholique et de l’exhortation de S. Jean-Paul II Pastores dabo vobis. Pourquoi « la paternité spirituelle n’est[-elle] pas présentée comme un thème majeur de la vocation sacerdotale » ? Il y aurait à cela deux raisons. La première est dogmatique : agissant dans les sacrements in Persona Christi et in nomine Ecclesiæ, le prêtre « signifie le Christ qui donne sa vie aux hommes pour en faire des frères ». D’autre part, il y a une raison conjoncturelle : la crise de la figure paternelle dans la société atteint aussi celle du prêtre. Perçue comme exerçant une tutelle sur des mineurs, l’autorité du père est facilement associée à ce fameux « cléricalisme » tant décrié.
Mais on ne saurait s’en tenir à cela. Certes le prêtre est configuré au Christ, « premier-né d’une multitude de frères » (Rm 8, 29), mais c’est bien en termes de paternité et d’engendrement que S. Pierre et S. Paul présentent le ministre du Christ. Le prêtre est-il prêtre ou frère ? En distinguant ce qui fonde ces deux relations, l’auteur montre ce qui permet leur application au prêtre par analogie.
Par le baptême, le chrétien est introduit à la vie sacramentelle de la grâce ; il devient fils du Père, et frère d’une multitude de fils. Dès lors, en célébrant et en communiquant la grâce dans les sacrements, le prêtre engendre non des fils, mais des frères.
Pour autant, parler de paternité pour le prêtre n’en est pas moins juste. L’auteur distingue deux formes de paternité : la première est dite « ministérielle », lorsque le prêtre communique ce qu’il reçoit de plus haut (il n’est alors qu’un instrument) : il prêche la Parole de Dieu (et non la sienne), il dispense la grâce des sacrements dont Dieu est la source. La seconde est dite spirituelle : dans le cas de l’accompagnement spirituel, l’accompagné se sert de l’accompagnateur pour discerner l’action de Dieu dans sa vie chrétienne et prendre les décisions auxquelles ils se sent appelé pour répondre à la volonté du Seigneur. Ici, l’accompagnateur spirituel transmet bien quelque chose qu’il a en propre : il engendre au sens fort.
Ainsi peut-on comprendre la célèbre formule de S. Augustin : « Pour vous je suis évêque, avec vous je suis chrétien ». Reste pour le prêtre à bien saisir ce qui, dans sa vie concrète, relève de la relation paternelle ou de la relation fraternelle et le rapport entre les deux : « il apparaît que c’est la qualité de vie fraternelle baptismale qui détermine la droiture de l’exercice de la paternité spécifiquement sacerdotale laquelle engendre la fraternité ecclésiale. »
Cet opuscule du P. de la Soujeole que nous avons brièvement présenté se recommande donc par sa clarté et le profit presqu’immédiat qu’y pourront trouver les prêtres. Ainsi, ils y trouveront d’utiles rappels sur ce qui fonde leur ministère sacerdotal ; mais surtout, puisque c’est le propos de l’auteur, ils verront mieux ce qui pourra aussi leur permettre d’exercer avec justesse un authentique accompagnement spirituel pour peu qu’ils y soient appelés. Mais ce livre n’en sera pas moins utile aux laïques qui bénéficient d’un accompagnement ou souhaitent en bénéficier afin de mieux comprendre en quoi il consiste et la richesse de grâce que l’Église à offrir.
Crédit de la photographie d’illustration : chaîne Youtube iAquinas, avec leur aimable autorisation.
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