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17 novembre, du goudron en attendant les plumes

L’épiphénomène de fronde qui a lieu en ce 17 novembre apporte, lorsqu’il est mis en perspective avec la situation de la France, un présage des plus préoccupant. Il serait niais de croire que c’est un évènement décisif puisque la démocratie française est une mascarade où ne subsistent que deux types de matériaux argumentaires possible : l’Argent et le plomb. Par les hasards de l’infortune, le peuple français n’a plus d’argent ; le coeur de l’affaire réside dans le délai au terme duquel il s’adonnera à la seconde solution.

Seul le manque d’un moyen primaire de subsistance génère un soulèvement populaire et général, soit à la suite d’une pénurie, soit à cause de l’inflation des prix. La société illusoirement post-industrielle dans laquelle nous vivons brûle le pétrole à une allure démentielle, ce qui fait de la précieuse huile une ressource élémentaire ; toutes les forces vives et productrices de l’économie française s’en procurent quotidiennement à la pompe. Tarir les pompes, c’est faire sauter la France.

Il ne s’agit assurément que d’une hausse des prix qui n’empêchera pas le maintien de la consommation, et la grogne ira son chemin pour s’endormir confortablement dans le coeur des gens.

Mais le fait qu’elle n’éclate qu’aujourd’hui informe relativement bien sur le caractère critique de la situation, après que le peuple français a supporté sans trop grommeler les déprédations d’un système de pillage fiscal qui ne sait plus où se cacher pour rougir en secret de son infamie, après les avalanches de licenciements, l’inflation générale et la précarisation d’à peu près toutes les garanties de sécurité financières du français moyen. Les circonstances du 17 novembre montrent que les architectes du grand braquage libéral ne parviennent plus à enterrer les cadavres sous le brouillard de l’industrie de consommation et de divertissement.

Par ailleurs, la haine de l’État et de celui qui le représente, celui qui occupe une fonction dans laquelle même un marchand de femmes perdrait le reste de sa dignité est devenue un facteur d’unité nationale et, chose étrange, transcende complètement les obédiences politiques françaises. Il y a donc deux signaux inquiétants dans ce qui a lieu aujourd’hui : la colère est générale, et elle concerne une ressource rudimentaire.

Que faut-il conclure de cette convulsion politique désespérée, à la lumière des incandescentes colères qui incubent au sein des corps nécessaires abandonnés de ce pays, chez les médecins et les infirmiers, chez les policiers et les gendarmes, chez les cheminots, les enseignants et les petits patrons ainsi que - et ici repose tout le tragique du fait - chez les militaires ? Ordinairement, le sang d’un homme reflue vers ses fonctions vitales lorsque le risque de gel et de nécrose de ses extrémités devient trop grand ; c’est un sacrifice nécessaire. Les corps sociaux intermédiaires cités ici ne sont pas des extrémités.

L’essence, d’ailleurs n’en est pas une non plus. D’ordinaire, l’État exproprie les français grâce à des taxes certes scandaleuse, mais qui ne s’exercent que sur des produits d’importance mineure, que subissent toujours des catégories socio-professionnelles particulières et qui ne peuvent donc enflammer la colère populaire dans sa globalité. Ses ministres justifient ensuite cela par des motifs ridicules de santé publique, de développement durable, bref, en se parant d’une excuse valable et des trémolos éloquents de la moralité. Or, si l’État-bandit ne parvient pas à survivre grâce à ces taxes mineures qui se multiplient chaque année, et qu’il ne peut se suffire de plus de cent milliards d’euros de prélèvement d’impôts annuel ; s’il se voit contraint, par conséquent, à taxer l’essence une nouvelle fois, je n’ose imaginer la proximité de la catastrophe financière.

Lorsque l’affameur Turgot a ruiné la France dans l’installation du truandage libéral étatique sous le défunt roi Louis XVI, les émeutes dites frumentaires ont éclatées partout. Les évènements demeurèrent des phénomènes disparates, mais le mal était fait. Le roi pu contenir les émeutes paysannes, mais il n’eut plus assez de soldats en 1789 : le mécontentement et la déloyauté avaient touché jusqu’aux hommes de sa Majesté.

Le contexte actuel ne ressemble que trop à ce qui fit l’hécatombe révolutionnaire. J’éprouve un douloureux attendrissement pour ceux qui rêvent au « redressement » de cet épouvantable engrenage, mais il est temps de leur expliquer qu’il n’arrivera plus.

Cette mécanique dévorante s’engagera à cause de l’essence, du pain ou de la banque ; à dire vrai, peu importe. Il est inutile de s’essayer prévoir ce triste jour, les apothicaires en fin des temps ayant échoué autant de fois qu’ils s’y sont essayés. Il s’agit uniquement de s’y tenir prêt.


Marc Ducambre

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