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Alors même que l’ouverture de la PMA à « toutes les femmes » vient d’être votée en commission à l’Assemblée nationale, il est sans doute bon de s’arrêter pour réfléchir aux désirs et aux projets des propagateurs de cette mesure. Au fond, que cherchent-ils réellement à faire en étendant la procréation médicalement assistée, jusqu’ici réservée aux couples infertiles, aux femmes seules et aux femmes qui vivent en « couple » ?
A les entendre, d’abord à combler une injustice ; cet argument revient très souvent dans la bouche des militants et acteurs interrogés. Il faut leur faire crédit de leur sincérité : sans doute ce sentiment est-il effectivement vécu comme tel par la majorité d’entre eux. Bien sûr, cela ne suffit pas à le fonder en droit ; mais à l’heure où la parole des « victimes » en tout genre est sacralisée, il paraît somme toute logique que les plaintes aient presque valeur de raisons.
Ensuite, la PMA donnerait corps au désir d’enfant, qui est à la fois une réalité biologique dans le cycle de vie féminin, et une injonction sociale encore très prégnante (quoiqu’infiniment moindre que dans le passé, et selon des modalités très différentes). Les opposants à la future loi remarquent à raison le passage insidieux ainsi opéré, d’un désir d’enfant légitime à un droit à l’enfant opposable. Les plus éclairés des partisans de la PMA paraissent eux aussi conscients du caractère injuste et scandaleux d’un tel « droit à l’enfant », mais ils comptent justement sur la loi pour « encadrer » (c’est là un de leurs maîtres mots) et prévenir les « dérives » de la « parentalité », dans ce qui est une sorte d’autosuggestion rassurante. En réalité, « l’encadrement » d’une loi intrinsèquement mauvaise n’a jamais supprimé sa nocivité.
Plus largement, nombre de partisans de la nouvelle loi sont convaincus d’aller dans le sens du progrès, un progrès univoque et sans retour possible, qui lie les inventions techniques aux pratiques sociales nouvelles, et leur assigne un sens, précisément celui d’incarner l’amélioration de la condition humaine. Réfuter philosophiquement le présupposé progressiste dépasse de loin notre propos ; résumons simplement en disant que cette erreur consiste en bonne part à lier arbitrairement des phénomènes et des ordres différents, par exemple à amalgamer, pour paraphraser Baudelaire, l’éclairage au gaz et la diminution des traces du péché originel. Selon de tels modes de raisonnement, les faits précèdent toujours le droit et conditionnent ses futures « avancées », puisque leur existence (celles de mères célibataires, de femmes vivant en couple et élevant des enfants, etc.) doit mener au constat que le droit est obsolète, inadapté aux pratiques sociales contemporaines : c’est toujours lui qui est à la remorque des faits. Le regard sociologique habituel sur ces pratiques est faussement neutre : il ne leur assigne pas de valeur explicite, mais, dans leur sélection et leur présentation soigneuses, il en fait une indication de ce que serait objectivement la voie à suivre. Et puisque le progrès est défini comme tel, les raisons de ceux qui s’opposent à l’extension de la PMA et surtout à sa traduction juridique ne sont plus parées de ce beau titre, elles deviennent simplement des préjugés à combattre.
Enfin, il existe des personnes favorables à cette loi qui sont tout à fait conscientes de ce qu’elle opère : la dé-corrélation radicale de la procréation naturelle d’avec une hypothétique « parentalité » sociale. Engendrement et enfantement (et même, dans le cas de la GPA, grossesse) sont totalement disjoints de la filiation et de l’éducation. Pour ces militants qui se voient eux-mêmes comme une minorité d’avant-garde au sein du mouvement pour les droits LGBT, il faut déconstruire en toute connaissance de cause le modèle familial traditionnel, afin de laisser s’épanouir la diversité des pratiques nouvelles. Bon nombre d’arguments anti-PMA, qui font voir la tentation trans-humaniste à travers cette négation des corps, restent ici sans effet, puisque c’est justement ce danger qui est perçu par eux comme un but désirable ! Mais un tel principe de subversion ainsi assumé est aussi une grande faiblesse, tant ces vues sont minoritaires et anxiogènes dans la société.
Même s’il faut être conscient des biais et des raccourcis qu’empruntent les militants de la PMA « pour toutes », le terrain reste donc encore ouvert pour un débat de bonne foi, où les arguments de leurs opposants peuvent produire tous leurs effets.
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