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[EX-LIBRIS] P. Alexandre Siniakov : Comme l’éclair part de l’Orient

Recension de l’ouvrage du père Alexandre Siniakov, Comme l’éclair part de l’Orient. Itinéraire d’un pèlerin russe, publié en août 2017, Salvator, 196 pages.

Le hiéromoine Alexandre (Siniakov), recteur du séminaire orthodoxe d’Epinay-sous-Sénart, rattaché au patriarcat de Moscou, est l’auteur d’un ouvrage autobiographique, intitulé Comme l’éclair part de l’orient, publié aux éditions Salvator, qu’il présente comme une réponse à une demande de ses amis. Il est vrai que, des versants nord du Caucase à la proche banlieue parisienne, sa vie encore courte se présente comme un concentré d’incidences et d’événements qui ne laissent pas d’étonner le lecteur.

De fait, le destin de cet élève surdoué, mais que rien, dans les années finales d’une Union Soviétique agonisante, ne semblait destiner à pouvoir s’extraire d’une société assez fermée, celle des cosaques vieux-croyants du Caucase, ne peut se comprendre qu’à la lumière de la volonté de Dieu, qui apparaît, comme l’indique l’auteur, par petites interventions : parfois ardue à comprendre, elle est présentée néanmoins comme une bienveillance infinie, donnant tantôt ce que l’homme désire, tantôt ce dont il a besoin. « La folie de Dieu est plus sage que les hommes » (1 Cor, 1 : 25) est une sentence qu’illustre avec beaucoup de malice cette vie menée au rythme des occasions invraisemblables, mais aussi de grandes frustrations subies aux mains des hommes.

Il se dégage donc de l’œuvre une vraie conscience de la petitesse de l’être humain, qui est dès lors perçu comme un vase que Dieu doit pouvoir utiliser à sa guise, sans qu’on en tire d’orgueil. L’auteur fait preuve d’une malicieuse modestie devant les aventures qui l’ont conduit à devenir une des figures visibles de l’orthodoxie russe en France, et un représentant fréquent de l’Eglise orthodoxe auprès de certains médias français.

Ce refus de chercher à appréhender dans sa totalité le mystère de la volonté de Dieu informe aussi la position assez surprenante que l’auteur entretient vis-à-vis de la question de la séparation des diverses dénominations chrétiennes, dont il a eu, dès son arrivée en France, une conscience marquée. A cet égard, il prend le risque de déplaire aux partisans d’une compréhension plus rigoureuse de l’ecclésiologie chrétienne qui, orthodoxes comme catholiques, refusent d’adhérer à la « théorie des branches », selon laquelle les confessions visiblement séparées sont invisiblement membres d’une même Eglise du Christ.

De la même manière, l’auteur fait montre d’une approche assez personnelle, que l’on pourra qualifier de moderniste, concernant les usages liturgiques et ecclésiaux de l’Eglise orthodoxe, qu’il met d’ailleurs en pratique au sein de la communauté quasi-monastique qu’il a construite à Epinay-sous-Sénart. Ce séminaire, en raison de l’amour pour les animaux de son recteur, prend des allures de grand conservatoire de la vie animale, comme en témoigne la vision comique que fait l’auteur de ses promenades accompagné de ses ânesses : on ne peut nier que cette vision originale de bien des choses soit informée par une conscience profonde de la tradition orthodoxe, dans ce qu’elle peut parfois avoir de surprenant et de radical pour le monde occidental.

On aurait pu attendre, à la lecture du titre, que l’auteur parle de ce qu’il considère être l’apport que peut avoir l’orthodoxie pour aider au redressement de la vie chrétienne dans un Occident si mal en point spirituellement. Si cette dimension n’apparait finalement pas, cet ouvrage reste une lecture à la fois divertissante et intéressante, car l’auteur y déploie par petites touches une vision prenante de la grâce de Dieu, toujours présente, et ce longtemps avant que l’homme ne se tourne vers Dieu.

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