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Existe-t-il une filiation philosophique directe entre 1789 (la Révolution prétenduement heureuse, illustrée par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen) et 1793 (la Terreur, souvent présentée comme une déviance de 1789) ?
En pratiquant l’extermination systématique de la « race rebelle de brigands » vendéens (selon la formule du conventionnel Barère), la Révolution a-t-elle méconnu les principes qu’elle avait établis en 1789 à l’occasion de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ?
Le bref essai du Pr. Xavier Martin, Sur les droits de l’Homme et la Vendée, nous livre une réponse claire à ces interrogations.
Xavier Martin, historien du droit et des idées politiques, Professeur émerite à l’Université d’Angers, aborde la problématique à travers deux axes.
C’est là l’occasion de se replonger dans les soubassements philosophiques de l’idéologie révolutionnaire : l’oeuvre de Rousseau et sa théorie du Contrat social, dont se réclamaient ouvertement les conventionnels, terroristes et génocidaires.
A la question de savoir si l’insurgé vendéen est considéré ou non comme un citoyen, la réponse est clairement négative. En effet, les théories de Rousseau sont unanimitaires : la minorité n’a pas droit de cité. La Vendée, en refusant la République, « s’expose ipso facto à être constatée auto-exclue de l’universalité du peuple français ».Les Vendéens ayant rejeté l’état social par excellence que constitue la République, ils sont donc de facto exclus du corps des citoyens. N’étant point citoyens, ils ne sont point français : ce sont donc des étrangers. La logique républicaine, d’inspiration rousseauiste, se déroule, implacable et simple : un corps étranger doit être retiré du corps social, pur et inaltérable, que constitue la République une et indivisible. On comprend d’autant mieux la célèbre formule du conventionnel Barère : « La Vendée ! Voilà le chancre qui dévore le coeur de la République ! ». Pour soigner cette tumeur et cautériser les plaies, rien de tel que le glaive et le feu. On aperçoit déjà, au loin, les fumées noires des Colonnes infernales, dans une guerre non pas civile, mais exterminatrice d’un ennemi présenté comme étranger.
Nous parlons des Droits de l’Homme et du Citoyen. Si le révolutionnaire rousseauiste, par idéologie, est enclin à nier la citoyenneté du vendéen, va-t-il également lui refuser sa qualité d’homme ? Le vendéen est-il un être humain ?
La question se pose en effet, et pas seulement dans l’esprit enfiévré des conventionnels : dès Rousseau, l’humanité est une qualité pouvant être retiré à certains individus. Xavier Martin ouvre ce chapitre avec une citation de Rousseau issue du Contrat social : "renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs". Or, en se dérobant aux lumières de la République, l’insurgé de Vendée militaire refuse le « Liberté » : on peut donc douter de son humanité. Pis, l’insurgé est presque toujours un paysan. Or, il est impossible d’ignorer le profond mépris qu’avaient nombre de philosophes des Lumières (de Voltaire à Turgot à l’égard du petit peuple des campagnes. Bête, le paysan est à la frontière entre l’Homme et la bête.
L’impregnation de ces thèses dans l’esrit des révolutionnaires se fait clairement sentir. Peint comme un être rustre, le paysan vendéen est bestialisé par l’idéologie révolutionnaire : le républicain J.-B. Leclerc rapporte que selon un « naturaliste célèbre », "Si l’on me demande quel est dans la chaîne des êtres l’anneau qui unit le singe à l’homme, je répondrai que c’est le Bas-Poitevin".
En outre, l’usage massif par les républicains de métaphores animales et cynégétiques comme « battue », « chasse aux loups », « tanières », « bêtes fauves », participe de la bestialisation de l’insurgé.
Le sang est également un topos récurrent : selon les conventionnels, il convient de purifier et de regénérer cette « race rebelle de brigands », selon l’expression de Barère. Francastel, dans la même veine, apelle à "purger à jamais le pays de cette race infâme [...] saigner jusqu’à banc cette génération vendéenne".
Là encore, il convient de revenir au germe de ces idées folles : les Lumières et 1789. La sordide idée de créer un homme nouveau est bien présente dès 1789. L’abbé Sieyès entend « perfectionner l’espèce humaine au moral et au physique ».
Nous connaissons tous les conséquences de telles logiques : le génocide perpétré par les Colonnes infernales, sur ordre de la Convention. Ces massacres de masse, commandités au plus haut niveau de l’Etat, ne sont pas de simples dérives propres à la Terreur. Ce génocide illustre le véritable projet de la Révolution toute entière, dès 1789, imprégnée des prétendues Lumières : un projet totalitaire.
A la lecture de l’ouvrage de Xavier Martin, il est évident qu’il existe une logique macabre entre les Lumières, 1789 et la Terreur de 1793, laquelle a accouché du génocide vendéen.
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