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Comme d’autres de ses émules, Ivan Tourgueniev reste depuis près d’un demi siècle recouvert d’une chape de poussière. Qui se souvient encore que ce Russe francophile fut l’un des auteurs les plus admirés en France et en Russie à partir des années 1860 ; qui sait encore qu’il fut le protégé de George Sand, qu’il fut l’ami de Flaubert et de Maupassant, le protecteur de Zola, le compagnon et l’inspirateur de Léon Daudet ?
Enserré entre la première grande génération des écrivains russes, dont Pouchkine et Gogol sont les plus éminents représentants, et les écrivains de génie que furent Dostoïevski et Tolstoï, Tourgueniev n’en demeure pas moins un auteur dont la portée littéraire fut de premier ordre. Aussi mérite-t-il selon nous d’être redécouvert.
Bien sûr, nos lecteurs pourront se plonger avec délice dans les Mémoires (ou Récits) d’un chasseur, ce recueil d’esquisses où se fait voir la réalité du monde Russe paysan d’avant l’abolition du servage, les plus férus d’histoire des idées pourront eux ouvrir avec intérêt Père et Fils qui atteste de l’apparition passionnante et tragique du nihilisme russe. Nous leur proposons quant à nous de s’immerger dans l’une des nouvelles les plus troublantes et les plus autobiographiques que l’auteur Russe nous ait données.
Premier Amour, paru en France en mars 1860 dans la revue Bibliothèque de lecture, narre grâce à une habile mise en abîme le premier amour du narrateur que l’on sait être aussi celui de notre auteur. Tourgueniev déclarai d’ailleurs à la fin de sa vie :
« Il n’y a qu’une de mes nouvelles que je relise avec plaisir, c’est Premier amour. Elle est peut-être mon œuvre préférée. Partout ailleurs, si peu que ce soit, il y a des choses inventées ; mais dans Premier amour j’ai décrit un événement réel sans le moindre embellissement, et quand je le relis les personnages se dressent devant moi comme s’ils étaient vivants. »
C’est à l’été 1833 que Tourgueniev aurait connu les affres de ce premier amour. Et c’est l’été de cette même année que l’intrigue de déroule. Vladimir Pétrovicth, notre personnage, seize ans, en vacances chez ses parents dans leur grande propriété de campagne, assiste à l’arrivée de nouveaux voisins, et, médusé à l’apparition de la jeune Zénaïde à travers de la palissade – ô combien érotisée – qui sépare leurs jardins. S’il en tombe immédiatement amoureux et rejoint la foule des prétendants qui la presse, c’est son père, à la fin, en sera l’heureux rival.
Au travers d’un récit à la fois réaliste et romantique – comme les furent les premières années de l’écrivain – le lecteur est plongé dans des pages où se pose lancinante la question de l’éternel féminin. Zénaïde, pour laquelle Flaubert avouera sa fascination, est le modèle de la jeune femme capricieuse et irrésistible. Ses prétendants en subissent les tours sans rechigner et c’est seule, sans doute, la résistance complaisante que lui opposera le père du narrateur qui aura raison d’elle. Ce récit est celui de l’itinéraire initiatique d’un jeune homme qui découvre à ses dépends le pouvoir de la femme aimée et la difficile communication entre les êtres que ce soit avec cette jeune femme ou ce père, qu’il admire en secret malgré ses froideurs apparentes.
Ce récit est un récit où les personnages sont décrits avec minutie dans leur diversité, où les atermoiements de notre jeune homme amoureux sont donnés sans excès ni ridicule, où le lecteur voyage au travers de la complexité des êtres et des passions qui les habitent.
Dans ce texte, Tourgueniev manie avec une vigueur peu commune l’art de la narration. Peu à peu grandi chez le lecteur le sentiment déchirant d’avancer vers une fin inéluctable et tragique. Et à mesure que se déroulent les paysages russes d’un été qui bat son plein, l’on sent sourdre profondément l’odeur mélancolique du temps passé et de l’amour perdu.
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