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L’union civile, c’est comme le dragon Smaug dans le dernier volet du Hobbit au cinéma. On sait qu’il est mauvais, pourtant il ne cesse de fasciner. Le sujet semble un peu abstrait, pourtant tout le monde en parle, et lorsqu’il refait surface, il ravive les flammes d’une désolation toute française : celle de la division.
Pour preuve, Frigide Barjot qui persiste à défendre l’union civile contre la Manif pour tous, et ceux qui, dans les coulisses de l’UMP, réfléchissent à la position à adopter en 2017. Ces derniers voient dans l’union civile la seule solution possible face au mariage gay. Ils estiment que l’opinion publique est favorable à ce compromis, et qu’un dispositif déconnecté de l’adoption préserverait la filiation.
Frigide Barjot affirme de plus que, depuis le début, la Manif pour tous défendait l’union civile comme contre-projet à la loi Taubira. Il est vrai qu’en novembre 2012, on parlait volontiers d’amélioration du Pacs. C’était flou, mais il fallait aller au plus pressé : mobiliser, tracter, manifester. Beaucoup, dont votre serviteur, n’étaient pas complètement formés sur tous les enjeux. Leur réflexion s’est progressivement mûrie. Personnellement, je dois à une rencontre le fait d’avoir compris que, dans le combat que nous menions, il fallait aller au meilleur, et ne pas se contenter du moindre mal. Or, l’union civile est un « sous-mariage », qui porte en germe les arguments qui permettent sa contestation.
En effet, son existence même casse la logique d’égalité de tous les citoyens devant la loi. Elle reconnaît une catégorie particulière d’individus sur la base de leur orientation sexuelle. Dès lors, le mariage en tant que tel, comme matrice structurante de la société et droit conditionnel (réservé à certains selon des conditions objectives, qui s’appliquent à tous les citoyens, indépendamment de leurs sexualités), apparaît comme une institution privilégiée, à côté du « sous-mariage » qu’est l’union civile. Cette situation prête irrémédiablement le flanc à la critique.
Les opposants au mariage gay qui estiment que proposer l’union civile en 2017 pour remplacer la loi actuelle serait la seule option acceptable se trompent. Elle risque au contraire d’être indéfendable, non pas à cause de l’existence de couples homosexuels déjà mariés, mais en tant que dispositif faisant une distinction entre citoyens selon leurs orientations sexuelles.
En Californie, suite au référendum d’initiative populaire victorieux de la Proposition 8 (qui abrogea par 52 % des voix le mariage gay en novembre 2008), la Cour suprême de l’Etat estima qu’en maintenant une union civile ouverte aux homos, à côté du mariage, l’Etat était coupable de préjudice envers les couples gays. Ainsi donc, le soi-disant compromis devint la source de l’argument légal pour abolir le mariage.
Lors d’une grève, le rôle du syndicat n’est pas de donner la solution au patron. L’an dernier comme aujourd’hui, ce n’est pas à la Manif pour tous d’offrir une porte de sortie au régime. Les gens ne manifestent pas pour l’union civile. Frigide Barjot s’en est aperçu trop tard.
En soutenant l’union civile (sur la base du postulat déjà erroné au départ, comme quoi « le couple hétéro, et le couple homo, c’est la même chose »), Frigide a commis l’erreur de se rallier à la solution du moindre mal, du possible, qui sont l’essence de l’éthique et du combat politique.
Ce qui était en jeu au sein de la Manif pour tous, creuset d’initiatives, d’engagements et de découvertes personnelles, symptôme d’un réveil national qui dépassait la loi Taubira, était de l’ordre du combat spirituel, qui vise le meilleur. Les chrétiens, qui composaient le gros des troupes, étaient guidés par un idéal, une exigence, et ne pouvaient pas se résoudre à un compromis de la sorte.
Pourtant, même sur le plan du moindre mal politique, l’union civile n’est pas souhaitable.
Il faut d’abord comprendre que TOUS les mariages sont des unions civiles, dès lors que l’Etat est concerné, ne serait-ce que par l’inscription des couples dans le registre national. Lorsque les unions civiles pourvoient la même symbolique, et les mêmes dispositions juridiques et fiscales que le mariage, la différence entre les deux types d’unions n’est plus qu’un mot. C’est un compromis indéfendable, et insatisfaisant pour tout le monde.
Ensuite, tous les cas d’unions civiles à l’étranger ont abouti à la légalisation du mariage homosexuel. Dès 1999, les promoteurs du Pacs en France y voyaient une étape logique vers la phase suivante. Même le compromis apparemment le plus solide, le Partenariat civil britannique, légalisé en 2004, qui offrait aux couples gays une reconnaissance solennelle, avec alliances, cérémonie, avantages fiscaux, au départ sans accès à l’adoption (mais cela leur fut inévitablement concédé, tout comme la PMA et la GPA), vient de tomber sans grande résistance l’an dernier.
Les États où le pouvoir politique freine les revendications LGBT et défend le maintien de l’union civile à côté du mariage homme-femme sont des exceptions faciles à énumérer.
En Allemagne, où existe depuis 2001 un poétique « Partenariat enregistré de vie commune », Angela Merkel a précisé explicitement qu’elle ne légaliserait ni le mariage homosexuel, ni l’adoption plénière, « pour l’intérêt de l’enfant ». Cependant, l’union civile actuelle prévoit déjà l’adoption de l’enfant du conjoint. Dans la Suisse voisine, où un référendum a légalisé l’union civile en 2005, un débat est en cours pour la transformer en mariage, et pour permettre l’adoption.
Enfin, en Australie, le mariage homosexuel vient d’être désavoué par la Haute cour. La situation australienne est toutefois particulière : depuis 2004, la loi fédérale précise que le mariage ne concerne que l’union d’un homme et d’une femme. Une union civile réservée aux couples gays existe cependant dans la plupart des Etats australiens, et dans la majorité des cas, elle donne accès à l’adoption, à la PMA et à la GPA. Maigre consolation…
Frigide Barjot et les ténors de l’UMP qui parlent de l’union civile persévèrent dans une position inacceptable pour tout le monde. Il ne faut pas s’étonner qu’ils soient en particulier critiqués par les militants LGBT, qui ont le sentiment qu’on leur propose un hochet discriminatoire.
La seule issue politique possible n’est pas l’union civile, mais une pleine et généreuse application des lois d’héritage, lois d’agence et procurations, pour satisfaire les besoins des couples homos dans le quotidien. Le cas qui a fait tomber la définition fédérale du mariage aux Etats-Unis (le Defense of Marriage Act) à la Cour suprême en juin dernier, était celui d’Edith Windsor, qui réclamait d’être remboursée après avoir payé 360 000 dollars de frais de succession à la mort de sa compagne. Un arrangement aurait pu être trouvé.
Le droit des sociétés permet également à des personnes non apparentées de s’associer à des fins publiques. Dans de nombreux domaines, comme les visites d’hôpitaux, les décisions médicales à prendre, la coopération financière, la mise en commun patrimoniale, la copropriété, des accommodements peuvent être trouvés, sans mettre en cause les institutions de la société, du mariage et de la famille.
Du côté de l’Église, on s’est toujours refusé à réduire les personnes selon leur orientation sexuelle, ce que ferait l’union civile. Les documents du Vatican ne parle pas des étiquetés « homosexuels », mais des « personnes » ayant un comportement privé. Mère Térésa parlait des personnes homos comme « les amis de Jésus ». Le Pape François, avec sa franchise, a précisé : « si une personne est gay… ».
Plutôt que de chercher des compromis en apparence crédibles, il faut poursuivre notre double témoignage : la défense du mariage, et le refus des catégories de personnes.
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