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De même que certains virent en Jésus Christ la Révolution, de même d’autres postulent en moi le révolutionnaire : l’inénarrable Renan, dans sa stupidité, fit de Jésus un prolétaire révolté contre la double oppression de Rome et de Jérusalem ; quant aux militants du PC, de Force Ouvrière, du NPA, du Front de Gauche, ils s’imaginent peut-être que je n’ai pas l’intention de les brûler. Il faut dénoncer l’illusion d’après laquelle tout ce qui « semble » nouveau serait par essence révolutionnaire. Il faut pour cela distinguer l’illusion de nouveauté et la nouveauté véritable : cette dernière est révolutionnaire, la première est réactionnaire. En effet, la réaction a les apparences du nouveau, ses idées semblent jaillir du génie humain, elles ont un lustre météorique : or, sans que nous le sachions, la réaction nous ramène à un temps perdu, oublié, prélapsaire, si bien que ses idées, venues de cet âge d’or, paraissent toujours neuves, toujours éclatantes. Or, méconnaître cette distinction, c’est précisément ne pas pouvoir distinguer entre Dieu et le diable : l’un ressuscite, l’autre accouche. Jésus fut un grand réactionnaire, et les catholiques sont des nostalgiques de Jésus. Et très précisément, il nous faut dire que la réaction, parce qu’elle sollicite le retour d’un temps perdu auquel elle est liée par la seule chaîne de la Tradition, n’est pas contre-révolutionnaire, mais le contraire de la Révolution.
Anti-moderne à sa façon, Hegel, dans sa Science de la logique, reconnaît à Dieu – et à Lui seul – le droit incontestable de commander aux origines (« L’Être », I, 1). En philosophie, en métaphysique et en théologie, cette obsession pour Dieu qui est aux origines de toutes choses traduit un sentiment humain : la nostalgie. Elle est à la fois regret du passé, insatisfaction du présent et désespoir de l’avenir. Si l’on veut, toute pensée humaine tient de l’Odyssée. La quête des origines, le retour au bercail, c’est revenir d’où l’on vient, à Dieu que l’on a quitté. Or, entre le début de l’Iliade et la fin de l’Odyssée, les décades se sont écoulées et peut-être Ulysse ne retrouvera-t-il pas Ithaque et Pénélope telles qu’ils les avait laissées. Pénélope donc, comme son roi Ulysse, seront les héros réactionnaires par excellence : dans les murmures des prétendants – « le temps passe, tournons la page » – elle verra une menace de l’avenir ; lui refusera l’idée que les heures qui passent doivent nécessairement insinuer des révolutions dans leurs sillons. Ainsi, Pénélope femme d’Ulysse détisse chaque nuit ce que le jour elle a tissé dans l’espoir qu’un jour Ulysse reviendra à Pénélope. Gardienne du passé, elle nous livre en même temps la définition de l’art, qui est d’être négativité du temps. Le temps est l’ennemi. De même, pour tout catholique, le temps est un motif de désespoir car il élargit la béance qui existe entre Dieu et lui et nous ne pouvons pas nous réjouir de venir aussi longtemps après Lui.
Le Catholique doit, à l’instar d’Ulysse, lutter contre le temps. Ce travail contre le temps est un travail d’épuration : si l’on veut restaurer un rapport pur à Dieu, il faut éliminer tout ce que le temps a introduit d’obstacles depuis que nous L’avons quitté. Il faut liquider les quantités asphyxiantes de la masse et les catalyseurs de masse (démocratie, libéralisme, relativisme) – Ulysse a littéralement massacré les prétendants – et retrouver l’union de l’esprit et du corps, union perdue depuis que le règne de l’écrit sacrifia le divin au vulgaire et le fit tomber dans le domaine public de la cité, qu’est l’ordre profane. Le retour à Dieu est d’autant plus difficile aujourd’hui, d’autant plus dangereux et inintelligible à un esprit moderne que le travail du temps a creusé l’éloignement entre les origines et notre époque et que le fossé entre nous et la source est devenu abîme. C’est pourquoi l’héroïsme d’aujourd’hui consiste à se revendiquer catholique : tout catholique, étant au service du plus grand de tous les souverains, appartient à une chevalerie qui surclasse toutes les lois et les autorités temporelles de la terre. Le catholique, sous les lois de Dieu, est au-dessus des lois des nations. Le temps est le fléau pur de l’humanité : se déversant dans le monde, il croît, grossit, se peuple, s’élargit, se pollue, cependant que l’humanité, suivant sa trace, « en progressant », « en allant de l’avant », charrie son lot d’immondices fétides qu’on appelle « révolutions ».
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