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[NEUVAINE POUR LA FRANCE] En quoi la Patrie est-elle chose sacrée ?

Du 15 novembre 2014 au 15 août 2015, une grande Neuvaine pour la France est proposée aux catholiques français. Le Rouge & le Noir se joint pleinement à cette initiative.
Chaque jour, le site de la Neuvaine pour la France met en ligne des ressources spirituelles. Nous les relayons régulièrement dans nos colonnes, vous invitant à les méditer et à vous unir à nous dans la prière.

Jean Ousset, Patrie, Nation, Etat, Editions Montalza, 1965.

« Avant tout donc, comme l’indique l’étymologie, la patrie c’est un sol, un territoire, un dessin sur une carte. Comme l’a dit Péguy, elle est cette quantité de terre où l’on peut parler une langue, où peuvent régner des mœurs, un esprit, une âme, un culte. Elle est cette portion de terre où une âme peut respirer et où un peuple peut ne pas mourir. Mais parce qu’elle est terre des pères, on comprend qu’elle soit par essence une terre humaine. Elle n’est pas, autrement dit, qu’un sol nu, un sol de forêt vierge. Elle est le sol sur lequel les pères ont marqué leur empreinte. Le sol qu’ils ont cultivé. Le sol sur lequel ils ont bâti les monuments, vestiges de leur passé.
La patrie est le sol des anciennes batailles. Elle est la terre des champs, des vergers. La poussière des villes et des routes. Elle est la terre des ancêtres, la terre des cimetières, celle qui garde ceux qui veillèrent sur l’enfant, l’adolescent, l’adulte, et ceux mêmes qu’il n’a pas connus, mais que des paroles tendres, ardentes ont figurés, décrits, ressuscités pour lui. (1) Elle est le cercle intime, la terre sacrée du foyer. Elle est la terre charnelle, la terre dont, à la lettre, nous sommes nés. Elle est la chair de notre chair. Et c’est par là qu’elle pèse et agit si fortement sur le cœur humain. Elle est spontanément objet d’affection et de sentiment. Elle est la mère.

« La Mère Patrie ».

Aussi est-elle plus souvent sentie que pensée.

La patrie n’est pas d’ailleurs le résultat d’un pacte volontaire. « On ne choisit pas plus sa patrie, la terre de ses pères, que l’on ne choisit ses parents ». L’enfant qui vient au monde n’argumente pas pour savoir s’il doit se décider à les aimer ou non. Il leur doit trop. Un élan naturel le pousse à les aimer. Ainsi que Taine l’a dit (2) : « La patrie est chose sacrée, par laquelle chacun a tout l’être qu’il a, pourvu de bienfaits infinis, héréditaires, envers qui nous sommes couverts de dettes. » « Monstrueux de la hasarder. »

Tel est le réel.

Tels sont les faits, dans ce qu’ils ont de plus communément admis.

Mais n’est-il pas insuffisant d’en rester là ? Et n’importe-t-il pas d’appeler « patrie » (sinon de grouper en elle) tout ce qui est de l’héritage, du patrimoine reçu de nos pères, et rassemblé par eux ? Car si la patrie est la glèbe de nos champs, le sol de nos chemins, l’asphalte de nos rues, on reconnaît qu’elle est aussi le ciel qui sert de voûte à cette terre, l’air qu’on y respire, le climat dont elle jouit. Et le miroir de ses lacs, le chant de ses sources, les reflets changeants de ses mers… On comprend donc que par extension la patrie puisse être en réalité le patrimoine entier. L’ensemble du capital que nous ont laissé nos aïeux. Non plus seulement la terre, mais les églises, les cathédrales, les palais et les tours dont elle s’est vue couverte au cours des âges. Et toutes merveilles de l’industrie ou des arts. Monuments de la pensée et du génie.

Tout l’héritage !

La terre, aussi bien que les legs matériels, intellectuels, spirituels et moraux.

« L’amour du sol tout court n’est pas le patriotisme », écrit Fustel. « Il faut y joindre l’amour de son histoire. La patrie géographique serait peu de chose si on ne relève l’affection qu’on lui porte (et, qu’un ennemi, aussi bien, peut lui porter) du respect, de l’amour de son histoire. Cette histoire est nôtre bien autant que le sol. Nous n’avons pas le droit de la négliger. »

Cet amour nous paraît d’autant plus important qu’il peut subsister après la destruction, la perte, voire l’inexistence de la patrie géographique.

Cas des peuples déportés.

Cas des peuples nomades.

Cas du peuple juif depuis sa dispersion.

La fidélité à la patrie devient, en ces cas, la fidélité à un patrimoine historique, à un ensemble de valeurs ou caractères traditionnels. Et la fidélité à tel poème, tel chant, tel livre sacré devient alors l’objet d’une défense aussi rude, aussi opiniâtre, aussi héroïque que le combat des armes pour la possession d’une province. »

(1) « La patrie est faite de plus de morts que de vivants. » (Renan).

(2) Notes inédites pour les Origines de la France contemporaine.


Illustration : Ossuaire de Douaumont

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