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Méditation de l’Abbé Eric Iborra
« Marie, Reine de Pologne, je suis près de toi, je me souviens de toi, je veille ». Lorsque saint Jean-Paul II se rendit à Paris en tant que pape, cet appel de Jasna Gora – l’invocation séculaire et tutélaire de tout un peuple à la Vierge – devait l’habiter en considérant cette France dont il avait, jeune séminariste, tant reçu, à travers sa culture et les saints qui façonnèrent l’identité spirituelle de notre pays. Le pape polonais commença par rappeler que nous sommes les héritiers d’une culture qui ne saurait être exclusivement profane puisqu’elle a noué, historiquement, des liens multiples avec l’Evangile. Don qui appelle à la responsabilité. Porteuse depuis si longtemps d’une culture marquée par l’Evangile, la France, en tant que nation, ne peut se comprendre qu’ouverte sur les autres peuples. D’où la solennelle interrogation du Bourget : « France, fille aînée de l’Église et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la Sagesse éternelle ? ».
Quel est-il ce bien de l’homme ? Tout d’abord l’homme n’est pas une énigme, il est un mystère : « L’homme n’a de sens dans le monde que comme image et ressemblance de Dieu ». Enraciné dans la nation qui en tant que communauté historique le garantit déjà dans une certaine mesure de la tentation du solipsisme – c’est la base du véritable patriotisme, distinct de sa caricature, le nationalisme –, l’homme doit encore s’ouvrir à la question décisive de l’Evangile, la question pétrinienne et plus encore mariale par excellence : « Aimes-tu ? M’aimes-tu ? ». « C’est seulement grâce à cette question que la vie vaut la peine d’être vécue ». C’est pourquoi il disait aux jeunes : « Vous valez ce que vaut votre cœur ». Puis il contemplait tous ceux qui au cours de notre histoire ont répondu à cette question, les saints, eux qui sont l’âme de notre patrie, eux qui ont reçu pour donner et pour servir. Des saints toujours actuels parce qu’ils se sont rapprochés de Dieu et de son éternité : « Les saints ne vieillissent pas. Témoins de la jeunesse de l’Église, ils ne deviennent jamais des personnages du passé. Ils sont toujours l’avenir évangélique de l’homme, les témoins du monde futur », en particulier les femmes, gardiennes de la vie, « sentinelles de l’invisible ».
Le Pape savait aussi que nous sommes toujours tentés sur nos dons les meilleurs. « Ce grand jubilé du baptême, disait-il à Reims, doit vous amener à dresser un vaste bilan de l’histoire spirituelle de l’âme française. Vous vous souviendrez certes de temps obscurs, de bien des infidélités et des affrontements, conséquences du péché. Mais vous vous souviendrez que toute traversée de l’épreuve est un appel pressant à la conversion et à la sainteté, afin de suivre jusqu’au bout le Christ qui a livré sa vie pour le salut du monde. C’est quand la nuit nous enveloppe que nous devons penser à l’aube qui poindra, que nous devons croire que l’Église chaque matin renaît par ses saints. Qui l’a une fois compris, disait Bernanos, est entré au cœur de la foi catholique, a senti tressaillir dans sa chair mortelle une espérance surhumaine ». Echo des premières paroles qu’il nous adressait en 1980 : « La voie de l’Evangile ne passe pas par la résignation, les renoncements ou les abandons. Elle ne se résout pas à l’affadissement du sens moral, et elle souhaiterait que la loi civile elle-même aide à élever l’homme. Elle ne cherche pas à s’enfouir, à demeurer inaperçue, mais elle requiert au contraire l’audace joyeuse des Apôtres. Elle bannit donc la pusillanimité, tout en se montrant parfaitement respectueuse à l’égard de ceux qui ne partagent pas le même idéal ».
Par l’intercession de ce grand Pape maintenant canonisé, confions à la Vierge qu’il a tant aimée la fécondité de l’Evangile dans les âmes de nos contemporains. Pour la sauvegarde temporelle de notre patrie et le salut spirituel de ses membres, nous pourrions faire nôtre l’appel de Jasna Gora : « Marie, Reine de France, je suis près de toi, je me souviens de toi, je veille ».
Abbé Eric Iborra
Photographie : Gonzague B.
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