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Mars 1793. C’était le printemps : la Vendée volait de victoire et victoire. D’un bout à l’autre de la Vendée militaire, les blancs étaient couronnés de lauriers. Le 11, Machecoul (Loire-Atlantique) fut prise par les paydrets ; le 14, Cholet (Maine-et-Loire) était aux mains des insurgés des Mauges. Sur la côte, Charette s’empara de Pornic, puis la perdit à nouveau. En Anjou et en Poitou, l’avancée continuait : le mois de mai vit tomber aux mains des Blancs les villes de Bressuire, Thouars, Parthenay, Fontenay-le-Comte, et Saumur. L’insurrection était contagieuse : contrôlant les campagnes et les villes moyennes, les insurgés voulait se porter aux grandes villes républicaines.
Le 29 juin, l’Armée catholique et royale bivouaquait aux portes de Nantes. Tout semblait réussir à la jeune Vendée. Mais l’attaque, mal coordonnée, fut un échec retentissant. Nantes, ceinte de ses vieux remparts, demeurait bleue.
Pis, la Vendée y perdit son généralissime, l’angevin Jacques Cathelineau. L’ancien colporteur, devenu général, avait été mortellement blessé à l’épaule par un coup de feu, place Viarme à Nantes. Affolés, ses hommes refluèrent, emportant son corps agonisant et abandonnant la ville qui semblait pourtant s’offrir à eux. Le 14 juillet 1793, le Saint de l’Anjou succomba de ses blessures sur les bords de la Loire, à Saint-Florent-le-Vieil.
L’échec de Nantes et la mort de Cathelineau marquèrent un net coup d’arrêt à l’avancée blanche. D’août à octobre, les défaites s’enchainèrent. Le rouleau compresseur républicain, dont le bras armé était composé des terribles Mayençais de Kléber, s’abattait sur les Vendéens. La Vendée était en péril. A nouveau, l’Armée catholique porta ses efforts sur la ville de Cholet. La cité se refusa aux Blancs. Le marquis de Bonchamps y fut mortellement blessé. Illustrant le pardon chrétien, Bonchamps, agonisant, accorda sa grâce à une foule de soldats bleus faits prisonniers.
Cependant, un vent de panique soufflait chez les Vendéens. Un cri retentit alors dans les rangs : « A la Loire ! »
En traversant la Loire, la Vendée sortit de chez elle. Le projet était de remonter vers le nord, afin de s’emparer d’un port sur la Manche où arriveraient des renforts émigrés. Les Vendéens traversèrent donc une partie de la Bretagne, où soufflait le vent de Noroit, autrement appelée vent de Galerne : ce fut la Virée de Galerne.
Un chapelet de victoires s’établit alors de Cholet à la baie du Mont-Saint-Michel. Un dernier sursaut faisait luire la couronne de lauriers de l’Armée blanche. Mais plus qu’une armée, c’est tout un peuple qui se mouvait ainsi sur les routes de Mayenne et de Haute-Bretagne : les Vendéens en armes étaient accompagnées de femmes, enfants, vieillards.
Arrivés à Granville, les Blancs butèrent sur une résistance acharnée des granvillais. Le feu empêcha les Vendéens de profiter d’une brèche. L’Armée catholique dut battre en retraite.
A nouveau, il fallait s’emparer de toutes les villes conquises à l’aller. Filant vers le sud, les Vendéens peinaient. Un massacre d’une grande ampleur fut perpétré par les Bleus au Mans, le 13 décembre. Les Blancs quittèrent la ville avec de lourdes pertes et continuèrent leur route. A nouveau retentissait l’appel du vieux pays : « A la Loire ! ». Une partie de l’Armée, commandée par le valeureux Henri de la Rochejaquelein, put traverser la Loire. Les autres durent longer la rive nord de la Loire vers l’Ouest. Parvenus aux marais de Savenay, ils furent sabrés le 23 décembre par les hussards de Westermann. Ce dernier déclara au Comité de Salut Public :
Militairement, la Vendée ne pesait guère. Seul subsistait une guerilla de haies et de futaies orchestrée par deux chefs brillants mais rivaux :Stofflet et Charette (ce dernier s’étant tenu à l’écart de la Virée de Galerne).
La route était donc libre pour l’Armée bleue. Mais plus que des soldats, ce sont des bourreaux qui sillonèrent alors la Vendée militaire. Le Comité de Salut Public eut en effet l’idée de faire marcher quatre Colonnes infernales en pays insurgé. Le général républicain Turreau, dont le nom est gravé sur l’Arc de Triomphe, dirigeait ces opérations. La République ordonnait la mise à mort d’une région qui s’était soulevée mais qui ne pouvait plus combattre. En ce mois de janvier 1794, la Vendée, à bout de souffle, n’était plus la menace qu’elle était huit mois plus tôt. Les Colonnes infernales ne firent donc pas oeuvre de guerre civile, mais perpétrèrent une extermination méthodique envers des populations civiles. Aux Lucs-sur-Boulogne, la Vendée connut son Oradour-sur-Glane. Partout, le sang coulait. A Nantes, l’infâme Carrier inventait de nouveaux moyens d’extermination : les mariages républicains et les noyades dans la Loire.
Quel fut le bilan total des guerres de Vendée ? 170 000 à 200 000 morts ? 400 000 ? 600 000 ? La question est délicate ; les massacres indéniables. L’Etat voulait du sang.
L’éventuelle qualification de génocide fait débat depuis une trentaine d’années. Qu’il nous soit permis d’aller dans le sens de M. Reynald Secher (pour qui il y eut un génocide) qui a brillamment établi les preuves de la responsabilité de la Convention dans les massacres en règle de civils vendéens. Il y eut bien une volonté légale d’assassiner les "brigands de la Vendée", le terme brigands ne faisant pas référence aux seuls rebelles, mais criminalisant toute une population, patriotes compris.
Le feu de la haine ralluma la flamme de l’espérance : ça et là, la Vendée en armes renaissait, sous l’impulsion de Charette et Stofflet. Une guerre latente se poursuivait dans les chemins creux. L’Ouest n’était pas pacifié.
Mais le pays avait trop souffert des Bleus pour continuer une lutte de grande ampleur.
Un traité fut donc signé au château de La Jaunaye, près de Nantes, en février 1795, entre Charette et les Bleus. Une paix de courte durée, rompue par deux terribles nouvelles : la mort du petit Dauphin, et l’annonce du débarquement des émigrés à Quiberon. La guerrilla reprit. Eternels sursauts vendéens... Enfin périrent Stofflet puis Charette. Ce dernier fut fusillé place Viarme, à Nantes. Les yeux grand ouverts et la main indiquant sa poitrine offerte, François-Athanase Charette de la Contrie, indépendant et plein de panache, quitta ce monde. Il avait trente-trois ans, et c’était le jour de Pâques.
C’en était définitivement fini de la grande Vendée militaire. Sous l’Empire, lors de Cent jours puis en 1832, des soubresauts troublèrent la quiétude du bocage endormi.
Mais il s’agissait des derniers feux de l’incroyable épopée de martyrs en sabots. La Vendée du pieux Cathelineau, du panache de Charette et du pardon de Bonchamps était déjà entrée dans la légende.
Enfin, le documentaire L’ombre d’un doute, dirigé par Franck Ferrand et diffusé en 2012, est une perle à ne pas manquer :
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