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Le 6 février 34 vu par un surréaliste

Parlons un peu poésie en ce jour anniversaire du fameux 6 février 1934. Le R&N vous propose de lire un poème de Benjamin Péret, poète surréaliste, à propos de ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler « la Marche des Ligues ». Quatre-vingts ans après les faits, il est difficile de juger l’action des manifestants, mais lorsque l’on voit « l’élégance » de leurs opposants, on ne peut qu’avoir un peu de sympathie pour eux. En effet, dans ce poème extrait du recueil Je ne mange pas de ce pain là - titre qui rappelle un de nos meilleurs agents - Benjamin Péret, reprenant le thème de l’hymne des Camelots du Roy, se permet de traiter les prêtres de pédophiles (oui, déjà) et Charles Maurras de fétichiste impuissant. Le groupe surréaliste s’est toujours mêlé de politique, ce qui créa d’ailleurs les plus grandes dissensions qu’ils connurent durant leur histoire. Benjamin Péret a toujours eu un statut particulier au sein du groupe. Petit soldat fidèle, il est cependant trop souvent dans la polémique et la politique pour gagner véritablement la confiance d’un André Breton. Il représente cependant la branche la plus militante et la plus anticléricale du mouvement surréaliste. Ses poèmes sont aussi témoins d’une époque où la poésie tenait une place importante dans les débats politiques et où l’on attaquait les poètes (Maurras) à coup de poèmes (Péret).

6 FÉVRIER

Vive le 6 février
grogne le jus de chique
vêtu en étron fleurdelysé
 
Que c’était beau
Les autobus flambaient comme les hérétiques d’autrefois
et les yeux des chevaux
arrachés par nos cannes-gillettes
frappaient les flics si répugnants et si graisseux
qu’on aurait dit des croix de feu
 
Vive le 6 février
J’ai failli incendier le ministère de la marine
comme un kiosque à journaux
Dommage que les pissotières ne brûlent pas
 
Vive le 6 février
Des conseillers municipaux abrutis par leur écharpe tricolore
pour rallier les poux et les punaises
faisaient couler leur sang sous les matraques
qui leur conviennent moins bien que le poteau d’exécution
 
Vive le 6 février
Des curés jaunes verts pourris.
caressaient les fesses des adolescents
en chantant la Marseillaise et des cantiques
en tirant sur leurs frères flics
 
Vive le 6 février
et vive le 7
J’ai hurlé pendant deux jours
A mort Cachin à mort Blum
et j’ai volé tout ce que j’ai pu dans les magasins
dont je brisais les vitrines
 
J’ai même volé une poupée que j’enverrai à Maurras
pour qu’il essaie de la violer
en criant A bas les voleurs

in Je ne mange pas de ce pain-là - 1936

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