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Ce sermon, de même que celui de l’abbé Iborra, à été dit en chaire le 11 mai 2014 à l’occasion de la fête de sainte Jeanne d’Arc.
Nous solennisons aujourd’hui la fête de sainte Jeanne d’Arc.
C’est bien tardivement que celle-ci a été canonisée, plus de 450 ans après sa mort ; mais le pape Pie XI a tenu à en faire ensuite, en 1920, la patronne secondaire de la France.
Bien des siècles après sa mort tragique, provoquée par une coalition d’intérêts politiques et hélas, d’hommes d’Eglise qui s’étaient mis à leur service, Jeanne d’Arc demeure une destinée parfaitement singulière.
Quand on l’évoque, on pense d’abord à son épopée politique et militaire ; il ne faut cependant pas s’y arrêter, car après tout l’histoire de France en compte d’autres, ni trop la nimber de romantisme ; mieux vaut plutôt la voir à travers le prisme des grâces exceptionnelles qui l’ont permise, et qui n’ont porté leur fruit que parce qu’elles étaient reçues par une âme profondément mystique et confiante.
A ce titre, Jeanne d’Arc aura surtout été signe de contradiction, du début jusqu’à la fin, et sans l’avoir le moins du monde recherché.
Car Jeanne, modèle d’humilité et de docilité, n’a jamais rien voulu ni décidé par elle-même, si ce n’est de devenir une sainte.
Son histoire personnelle, qui fait irruption dans la grande histoire et en transforme le cours, commence en effet par un appel de Dieu.
C’est une première leçon : il n’y a pas de mission fructueuse — grande ou petite, spectaculaire ou obscure — qui ne trouve son origine dans la volonté divine.
Dès que les affaires du Royaume de Dieu sont en cause — fût-ce à travers les affaires des royaumes de la terre — on ne s’improvise pas, on ne s’auto-désigne pas sauveur de quoique ce soit.
Si l’ambition est le moteur de la démarche, elle pollue tout, car elle met l’orgueil à la racine de l’action ; quant à la bonne volonté et à la générosité, si elles sont nécessaires, elles ne suffisent pas.
En effet rien de grand — ni même d’ailleurs de petit — ne se fait sans la grâce.
Or si la grâce est toujours suffisante, et il arrive même qu’elle surabonde, elle a une économie particulière.
La grâce de Dieu pourrait être comparée à une sorte de faisceau de lumière qui tombe d’en haut, pour nous éclairer et nous fortifier. Ce faisceau se concentre là où Dieu nous veut, et quand il nous y veut.
Si nous sommes à côté de ce que Dieu attend de nous, où à contre temps, nous sortons du champ de cette lumière. Cela ne signifie pas que l’on soit totalement privé de grâces, mais on ne les a pas en plénitude.
Si Jeanne, légitimement un peu effrayée par ses voix, était restée sourde à leur appel — un peu comme le jeune homme riche — elle serait certainement passée à côté de la sainteté, malgré ses qualités et son exceptionnelle piété.
De la même manière, si au cours de sa mission Jeanne s’était mise à jouer un jeu personnel, cette mission aurait très probablement échoué.
Toujours est-il qu’un appel de Dieu est fréquemment déconcertant — et Jeanne n’a pas manqué de l’être — car il nous demande presque toujours quelque chose qui est au-dessus de nos forces, quand ce n’est pas par surcroît hors du champ de notre compétence.
Pour Jeanne, une frêle jeune fille, bergère de son état et à peu près illettrée, aller voir le roi, le convaincre de se faire sacrer, lever une armée et en prendre la tête, pour finalement « bouter l’anglais hors de France », voilà qui dépassait le sens commun.
Elle l’a pourtant fait, ou plutôt Dieu l’a fait par elle, servante inutile et pourtant tellement nécessaire.
Le secret de cette aventure, dans son ensemble, a été sa docilité de tous les instants et sa transparence à la grâce, dont elle n’a jamais quitté l’étroit faisceau.
Ce secret a aussi résidé dans sa vie intérieure.
Femme d’action à son corps défendant, Jeanne n’a jamais cessé d’être une mystique, nourrissant son âme des sacrements de pénitence et de l’eucharistie aussi souvent que possible, et sans qu’une prière simple et confiante ne cesse de sortir de son cœur, comme une petite musique de fond.
Jeanne d’Arc nous montre qu’il n’y a aucune incompatibilité, ni de nature, ni de temps ou de disponibilité, entre une vie d’action trépidante et une profonde vie mystique.
Non seulement il n’y a pas d’incompatibilité, mais Jeanne démontre que l’action vraie, fructueuse, pérenne, n’est que l’expression extérieure, ou le débordement, de la vie intérieure.
Cette union intime à Dieu a été aussi le secret de sa sagesse, qui a éclaté lors de son procès, lorsqu’elle confondait les savants juges dont elle déjouait sans réplique les perfides questions.
On devine là que Jeanne d’Arc avait sans aucun doute une connivence toute particulière avec le Saint-Esprit.
C’est pourquoi elle aurait sans doute ri si on l’avait qualifiée d’héroïne, au sens humain du terme.
Son seul héroïsme a été dans ses vertus, et elle a dû creuser cet héroïsme jusqu’au bout, puisque sa vie s’est terminée par un très éprouvant procès, et la mort sur le bûcher.
On peut se demander pourquoi cette conclusion aussi injuste que tragique.
Certes, on imagine mal Jeanne d’Arc, mission accomplie, finir à la Cour dans un rôle de conseillère chargée de gloire et d’honneurs. Cela n’aurait guère convenu au personnage.
Mais l’hagiographie se serait en revanche volontiers accommodée de la voir « retourner à ses moutons », dans les vertes prairies des bords de la Meuse, affairée à la prière et aux humbles tâches de la campagne.
La Providence a permis que ces douceurs lui soient refusées, et qu’elle connaisse un autre destin ; nul doute que ce soit pour nous enseigner quelque chose.
C’est sans doute principalement pour nous montrer que la sainteté n’est rien d’autre que l’imitation du Christ ; sa fleur, c’est donc parfois le don physique de sa vie, dans le brouhaha haineux et la violence des accusations iniques et des faux témoignages, précisément comme le Christ dans sa Passion.
Dans l’ordre des affaires du Royaume, le bien ne triomphe du mal qu’en étant d’abord, bien souvent, humainement vaincu par lui. Mordre la poussière fait partie des règles du jeu.
Au-delà de cela, Jeanne d’Arc peut nous rappeler que lorsque l’on se bat pour les affaires politiques ou temporelles d’ici-bas — comme nous y incite l’Église — il ne faut jamais perdre de vue que c’est d’abord pour les affaires d’en-haut que l’on se bat, et donc que toutes les armes, et tous les coups, ne sont pas permis.
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