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La lèpre partisane, à l’école de Simone Weil

2 décembre 2014 Thibault Corsaire

Le régime des partis est infiniment diviseur. Il provoque dans l’âme humaine un trouble, en ce qu’il génère une incompatibilité entre la recherche personnelle de la vérité et la doxa officielle du groupe. Les partis tuent toute liberté intérieure.
Auteur d’une Note sur la suppression générale des partis politiques, Simone Weil (1909-1943) estime que « le totalitarisme est le péché originel des partis ».

« Une machine à fabriquer de la passion collective »

L’injustice résidant au cœur de la notion même de parti politique vient en premier lieu des braises de la passion collective qu’attisent les partis. Cette passion, pomme de la discorde à l’odeur de soufre et de poudre, est une «  impulsion de crime et de mensonge infiniment plus puissante qu’aucune passion individuelle ».
Cet enchaînement mortifère est « l’unique énergie dont disposent les partis pour la propagande extérieure et pour la pression exercée sur l’âme de chaque membre ».

La pression collective sur les membres du parti

Car il existe une mécanique d’asservissement intellectuel, à laquelle est soumis tout homme, fut-il de bonne volonté, adhérant à un parti : « si un homme, entrant dans un parti, est résolu à n’être fidèle en toutes ses pensées qu’à la lumière intérieure exclusivement à rien d’autre, il ne peut faire connaître cette résolution à son parti. Il est alors vis-à-vis de lui en état de mensonge ».

« L’unique fin du parti est sa propre croissance, sans limites  »

Un parti politique, à l’instar de toute collectivité, est dépourvu de pensée. Ainsi, il souffre perpétuellement d’impuissance, et l’impute invariablement à « l’insuffisance du pouvoir dont il dispose ».
On touche alors du doigt l’ambition dévorante de croissance, propre aux partis. Là est en germe leur caractère totalitaire. « La croissance matérielle du parti devient l’unique critère par rapport auquel se définissent en toutes choses le bien et mal ». Il faut engraisser le parti, le gaver, quitte à perdre de vue la dichotomie entre le bien et mal. Or, «  on ne peut servir Dieu et Mammon . Si on a un critère du bien autre que le bien, on perd la notion du bien ».

« Il n’y a rien de plus confortable que de ne pas penser »

On nous chuchote que tout cela est bien beau, mais que l’adhésion à un parti est nécessaire afin de jouer un rôle dans les affaires publiques de la nation. Le parti ferait parti des règles du jeu. Mais est-ce bien raisonnable ?
Weil met en garde : « en entrant dans le parti, [on] accepte des positions qu’[on] ignore. Ainsi [on] soumet sa pensée à l’autorité du parti ». Alors, certes, « il n’y a rien de plus confortable que de ne pas penser ». Prenons garde et méditons le conseil de Benoît XVI : « Le monde vous offre le confort. Vous n’avez pas été créés pour le confort mais pour la grandeur »

La suppression des partis, remède radical et nécessaire

Une fois le diagnostic posé, Weil préconise un remède chirurgical : la suppression pure et simple des partis politiques. Pratiquement, le candidat à une élection n’aurait pas d’étiquette mais exposerait sa pensée à l’égard de tel ou tel problème. Les alliances se feraient naturellement entre candidats et non entre appareils partisans.
Il n’y aurait pas de partis, mais des mouvements souples d’idées, stimulant la vie politique par le débat intellectuel, notamment sous la forme de revues dépourvues d’esprit partisan : « il existerait des revues d’idées, il y aurait tout naturellement autour d’elles des milieux. Mais ces milieux devraient être maintenus à l’état de fluidité. C’est la fluidité qui distingue du parti un milieu d’affinité et l’empêche d’avoir une influence mauvaise ».

L’antidote ne réside pas ailleurs que dans la pensée, la pensée libérée de l’obligation de prendre parti, cette « lèpre » originaire des milieux politiques et « étendue, à travers tout le pays, à presque la totalité de la pensée ».

2 décembre 2014 Thibault Corsaire

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