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Chaque mercredi, le Rouge & le Noir publie un extrait de Jean Ousset (1914-1994). Ces extraits ont pour objectif de répondre à une question, en se fondant sur les Écritures.
Faut-il se scandaliser de la pagaille dans l’Eglise ? Pédophilie, malversation financière, hérésie, faiblesse des hommes… Nous sommes facilement scandalisés par les fautes dans l’Eglise. Certains sont tentés d’en tirer argument contre la foi ou contre l’obéissance en particulier au pape. Nos cœurs sont sans intelligence. Pourquoi Dieu permet-il cela ? Pourquoi l’histoire de l’Eglise ne serait-elle pas (au moins sous un certain aspect) un drame analogue à celui de la vie, de la Passion du Seigneur ? Comment « sentir avec l’Eglise » ? Quelle est notre foi ?
Voici une méditation tragique et pleine d’espérance tirée de l’ouvrage Pour qu’Il règne de Jean Ousset pages 545 à 556 : « Pagaille dans l’Eglise ou mystère de la Croix ».
25 Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit !
26 Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »
27 Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
Trop d’excès cléricaux vous scandalisent. Vous en perdriez la foi. Et le fait est que, très souvent, le refus de la foi a pour argument la protestation contre cet excès analogue (« Scandale pour les juifs, folie pour les païens ! ») d’un Dieu s’abaissant, souffrant, mourant sur une croix, entre deux voleurs, sous les insultes et sarcasmes de ce que la religion légitime d’alors comptait de plus officiellement « gratiné ». « Pagaille », comme vous dites, qui brisa d’un coup l’élan des premiers disciples, mais qu’au soir de la Résurrection le Maître se plut à commenter à « deux d’entre eux » sur le chemin d’Emmaüs : « Esprits sans intelligence. Lents à croire tout ce qu’ont annoncé les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire ? » Et commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes... »
Et de même pour l’Eglise. Pensez-vous qu’il n’importe pas qu’elle ait, elle aussi, à souffrir. Comme le Maître ! Avant qu’il lui soit donné de devenir en son entier la Jérusalem céleste ! Comme si la vie, comme si l’être de l’Eglise n’étaient pas, n’étaient plus la vie, l’être de Jésus-Christ projetés dans les successions de l’histoire et la multitude des nations.
« ...Et commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes... » Telle est la méthode ! Et commençant par l’étude de l’Eglise en ses débuts et parcourant toute son histoire...
Car c’est par ignorance de ce que l’Eglise n’a cessé de subir depuis vingt siècles que nous nous faisons de notre sainte religion une idée fadasse, totalement énucléée par le conformisme clérical. Alors que depuis le Calvaire, d’une façon constante, Dieu a permis, Dieu permet que l’histoire de l’Eglise soit (au moins sous un certain aspect) un drame clérical. Drame analogue à celui de la vie, de la Passion du Seigneur.
(…) Tragédie de la Rédemption qui continue et continuera à s’opérer « jusqu’à ce que le nombre des élus soit complet ».
(…) Si nous connaissions mieux l’histoire de l’Eglise, nous ne douterions plus de la prédilection de Dieu pour ce genre d’épreuve.
(… ) Soient, à la course... gnostiques et manichéens du tout début ; montanistes novatiens du second siècle, accompagnés des quarto-décimans, débaptisants, millénaires, antitrinitaires. Puis donatistes et méleciens, précurseurs de l’arianisme. Lequel eut plusieurs phases ou retours. Pélage et Celestin. Nestorius et Eutychès. Et tous les autres... jusqu’à nos jours. A la cadence de trois ou quatre hérésies par siècle.
Aujourd’hui, et de loin, tout cela paraît clair, net, parfaitement distinct : fidèles d’un côté, hérétiques ou schismatiques de l’autre. Mais, pour ceux qui vécurent cela, c’était aussi « pagaille noire ». On ne savait pour qui opter. Le curé était d’un bord, le vicaire de l’autre. Les évêques en collégiale discorde. Les Athanase et les Hilaire en minuscule minorité. Et, comme toujours, c’étaient les autres qui, modestement, se prétendaient dans le sens de l’histoire, « présents au monde », témoins de leur siècle, etc. Le recul du temps déforme, en ordonnant à l’excès, ce qui fut pagaille noire et sanglante.
(…) Et, puisque vous en avez contre les clercs, songez à ce que fut l’état de l’Eglise au Xe siècle. La pire époque ! Plus d’écoles, plus d’enseignement ! L’ignorance est telle que des conciles (celui de Trosly : 909) se voient contraints de ramener les prêtres eux-mêmes à des études si rudimentaires qu’à les voir seulement rappelées, on en perd le souffle ! Et pourtant, Monsieur, nous ne pouvons douter que même en ces périodes épouvantables le Ciel eut la joie de voir des fidèles « tenir ». Authentiques consolateurs du Christ dans son agonie.
« Pagaille » du Grand Schisme d’Occident. Deux papes et même trois, s’anathématisant l’un l’autre. « Pagaille » du « concile » de Bâle, déclarant le pape suspect. « Pagaille » d’évêques gallicans et jansénistes.
Pour nous qui voulons rendre notre patrie à son « droicturier seigneur » : « pagaille » du procès de Jeanne d’Arc. Ce fut la forte dose. Un évêque, un vice-inquisiteur, plusieurs pères abbés, la fine fleur des docteurs de Sorbonne, « experts », pour la plupart, à l’indigne concile de Bâle qui allait s’ouvrir peu après.
Pensons-nous assez à ce que fut, au fond du cœur de la mère de Jeanne et de tous les bons chrétiens de Domrémy, la tentation de révolte ou de désespoir (…) quand parvint, en ces boucles de Meuse l’annonce du bûcher de Rouen ?
Jeanne, certes, fut réhabilitée. Mais pas avant toutefois que le roi de France ait triomphé !... Car, voyez-vous, même dans l’Eglise, la « diplomatie » l’emporte souvent sur la proclamation de la vérité et la défense de l’innocent !
Et Dieu permet cela !
Comme il a permis la vie douloureuse et la cruelle passion de Son Fils. Toujours pour la même raison : sa plus grande gloire, la plus grande gloire des élus.
Mystère de la Croix rédemptrice. Mystère de l’Eglise. Mystère des épreuves innombrables de tous les saints. Une seule et même perspective.
Et c’est parce que notre conception de l’Eglise se désurnaturalise, se rationalise, se veut toujours plus dans « le sens de l’histoire », sens d’un messianisme tout humain, que nous perdons l’intelligence et l’amour du mystère adorable de la sainte passion de notre Mère, en et par Jésus-Christ.
Que faire ?
Ce que firent Véronique et le Cyrénéen au passage du Maître couvert de sang, de poussière, de crachats, de vomissures avinées (c’est l’Ecriture qui le dit. Elle n’a pas peur des mots). La couronne d’épines ceignant ses cheveux d’une glue rouge ; le visage tuméfié ; titubant sous la croix ; rudoyé par la soldatesque ; conspué par le peuple ; condamné par les docteurs, prêtres et théologiens du temps.
(…) D’abord ne pas avoir peur ! (Ecrit avant le N’ayez pas peur de Jean-Paul II !) Nous moquer des sarcasmes ! Ne pas déserter ! Rendre les rangs de la foule. Avancer résolument vers Jésus. Rester fermes dans la foi. (…) Soyons prêts, et plus prompts s’il se peut que Véronique, pour reconnaître, sous quelque souillure que ce soit, avec la sainte face de notre Dieu, la sainte face de l’Eglise. Qu’en gestes doux et pieux nous sachions rendre au cher visage son essentielle pureté.
Essuyer la sainte face, comme Véronique. Mais en prenant soin, comme elle, de ne pas ajouter à sa douleur. Sans l’écorcher un peu plus du fait de nos colères ou de nos impatiences. Sans ouvrir ses blessures. Encore qu’elle ait dû, pour y parvenir, se frayer un passage, bousculer quelques badauds, passer outre à quelque interdiction légale, forcer la cordon des légionnaires.
Aider à porter la Croix, comme Simon. Efficacement certes. Mais sans rudesses nouvelles, sans maladresses, sans sursauts douloureux.
Gardons-nous, surtout, de détourner les yeux devant l’ignominie du spectacle. Sachons reconnaître Celui... et donc Celle (l’Eglise) qui semble vaciller devant nous. Malgré tant de souillures, tant d’ecchymoses, empêchons qu’on oublie leur pureté, leur sainteté fondamentale.
Heureux serons-nous si, ayant tout suivi, tout vu, tout entendu, comme le centurion du Calvaire, nous en repartons professant plus haut et plus clair que cet homme est vraiment le fils de Dieu..., que l’Eglise est réellement et toujours l’épouse immaculée du Christ.
Isaïe 53, 3-4 : « nous l’avons méprisé, compté pour rien »
03 Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien.
04 En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié.
« Nous l’avons méconnu, prophétisait Isaïe. Sans beauté, sans éclat..., méprisé, le dernier des hommes, un être de douleur, rompu à la souffrance, au visage caché, semblable à un lépreux... » Oui, tout cela est vrai. Du Christ comme de l’Eglise. »
A suivre ….
Pour se former et agir à l’école de Jean Ousset, lire Pour qu’Il Règne, ouvrage historique de ceux qui veulent agir « à contre courant » comme nous y invite le Pape François.
Ces publications sont diffusées en collaboration avec Ichtus, organisation héritière de la pensée et de l’œuvre de Jean Ousset.
Illustration : Allégorie de l’Eglise, église Saint-Charles-Borromée (Karlskirche), Vienne (Autriche)
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