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民主主義 - Minshushugi
Le Japonais est un trésor de langue pour mieux comprendre certains de nos mots si usités qu’ils en perdent tout leur sens au point de devenir les gris gris de la superstition moderniste. Le vocable de démocratie et tous ses dérivés tombent en ruine, tellement ils sont usés par la bêtise contemporaine, et constituent de nouvelles armes détournées de leur rôle premier, des sortes de concepts massifs de destruction intellectuelle. Le mot est en effet trop souvent agité pour ne pas cacher une quelconque arnaque, qui par le flou entretenu autour de sa signification exacte, incite à l’erreur et au fétichisme.
Le mot japonais que l’on traduit habituellement par démocratie, et utilisé au Japon dans le même contexte, c’est-à-dire à tout crin et pour désigner une sorte de gouvernement idéal et sans tâches, et tout ce qui ne convient pas à l’accomplissement de la terreur idéologique est désigné comme anti-démocratique. Il existe d’ailleurs d’autres expressions en Japonais, qui se traduisent aussi par « démocratie », mais sans posséder cette connotation idéologique. Ce mot se traduirait littéralement et très vilainement par « Principe maître du peuple maître ». En réalité, minshu signifie déjà à lui seul démocratie, puisqu’il signifie le peuple maître, le peuple souverain, comme la racine grecque de demos cratos. Le suffixe shugi fut utilisé avec l’ouverture du pays afin de traduire les -ismes occidentaux. Ainsi, par exemple, individualisme devient en Japonais, « doctrine de l’individu », ou plutôt, « mettre en principe fondamental l’individu ». Dans cette logique, le terme japonais de minshushugi ne devrai pas être traduit par l’expression admise « la démocratie », mais devrait être le plus logiquement traduit par démocratisme. N’est-ce pas une sorte de révélation, l’évidence qui saute aux yeux, devant tous les discours que l’on nous réitère trop souvent, et sur l’erreur terrible face à l’utilisation du mot « démocratie » ? « Mais oui ! On ne parle jamais de démocratie, depuis des lustres déjà, mais on nous fait du démocratisme ! ». A côté du capitalisme et du marxisme, le démocratisme n’est qu’un -isme de plus, qui serait risible s’il n’empoisonnait pas la pensée et la vie quotidienne.
Le problème de fond dans l’usage de la démocratie chez nous réside dans cette fiction idéalisante qui usurpe complètement la réflexion originelle sur lequel repose le mot. Si l’on revient aux origines, le mot « démocratie » était avant tout un outil de réflexion pour Aristote, et un critère de mesure des régimes politiques. Toute cité était un composé politique mixte d’aristocratie, de démocratie et de monarchie. Il n’existait bien entendu par de régime pur, si ce n’est dans l’imaginaire de la pensée abstraite. Le crime vient de vouloir quelque part idéaliser un critère, -ismer, c’est-à-dire perdre toute nuance, toute sensibilité à la différence et à la complexité, réduire à une unique dimension, à un seul principe shugi 主義, et ainsi nier la nature mixte de l’homme. Le second crime intellectuel revient à vouloir appliquer à des échelles inhumaines, un pays entier, ce qui n’a de sens que pour l’échelle des animaux politiques, c’est-à-dire la ville. Le troisième crime consiste à faire croire que tout l’humain se réduit au régime politique, exit le sacré, la souveraineté, l’esprit, la nature, l’immanence et la transcendance ; tout est réduit au caractère purement et dérisoirement humain, et la réduction appelant la réduction, les champs se restreignent toujours plus pour ne faire de la démocratie qu’une sorte de jeux du cirque contemporains pour amuser la galerie – le temps qu’elle se rende compte qu’on lui vole le pain en prime.
L’ignorance crasse prend ensuite le relais, à la suite des crimes intellectuelles avec préméditations. On était déjà dans les ténèbres des profondeurs de la terre, mais on continue à creuser vers le bas pour trouver la lumière. Triste spectacle. La première bêtise veut réduire la démocratie au parlementarisme, et à la disharmonie habituelle et à la guerre des factions coutumière, la tyrannie de la majorité, la destruction du bien public, tous autant de maux érigés en nouveaux biens et objectifs à poursuivre dans une parfaite inversion de la société. La seconde, dans la plus pure orthodoxie marxiste, est de jouer au bouc-émissaire par l’utilisation de mots et d’expressions fantômes vidées de tout sens pour exclure les ennemis affublés d’une étiquette infamante qui en font des sous-hommes.
Le seul devoir réellement ardent de tout un chacun, réside d’abord dans le refus de ces manipulations tout le temps, à chaque moment et de façon intransigeante, sans faiblir. Ne pas laisser passer même la plus anodine des entorses au sens des mots : c’est cette abandon qui a donné la situation irrespirable dans laquelle nous vivons. L’étape suivante consiste dans la révélation du sens dans lequel ces mots sont employés. En l’occurrence, pourquoi ne pas substituer le mot « démocratisme » à démocratie dès qu’il n’est pas utilisé dans son sens aristotélicien, c’est-à-dire quasiment tout le temps, afin de bien rappeler à chaque fois le caractère idéologique et manipulateur de ce mot ?
La Restauration commence par la restauration des mots.
Paul-Raymond du Lac
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