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Pauvre siècle de fantômes désincarnés qui se croient libres alors qu’ils n’ont jamais été aussi esclaves depuis la création du monde. La libéralisation tue la liberté dans une mécanique bien huilée de destruction des liens. La religion, qui signifiait dans son sens étymologique « relier », devient ainsi la choses à réduire en miettes, autre constante de nos sociétés occidentales. Le suivant sur la liste, c’est évidemment la famille. Les individus sont portés aux nues pour mieux se retrouver seuls et coupés de tout lien chaleureux et protecteur. Il n’existe plus d’au-delà, ni de famille. L’individu désincarné se retrouve seul, sans plus ni le réconfort des liens du sang, ni le réconfort des liens avec les morts, si toute ses familles sont absentes.
Tous ces liens sont effacés mais pas détruits. Le drame consiste dans la bêtise noire, le mal profond qui consiste à cacher et grimer le bon ou le vrai chez ces nouveaux individus libres de tout lien mais prisonniers de toutes leurs lubies, leurs fausses joies et leurs divertissements. La situation est réellement dramatique, car certaines vérités qui se vivent sont déjà difficilement acceptables dans une société traditionnelle qui marche bien. L’homme peut se croire fort, il reste absolument faible et désarmé. Si on ne lui dit pas d’affronter la vérité – et de la chercher, il la fuira. Et si, pire, on lui apprend des mensonges comme des vérités, le contre-coup de la découverte de la vérité devient proportionnellement si grand qu’à part être saint, nous préférerons persister dans l’erreur. Et de façon presque naturelle, dans le cycle du mal, nous préférons exclure et tuer ceux ou ce qui peut rappeler cette vérité. Car plus le mensonge est ancré fortement, plus le choc de la vérité devient terrible.
Imaginez en effet celui qui se rend compte un beau jour qu’il vit dans le mal depuis des années, sans s’en être même rendu compte, ce qui rend la chose encore plus abominable pour celui qui aurait peut-être, dans un autre temps, était un honnête homme sans rencontrer de problèmes insurmontables.
L’héritage est la seule niche véritablement sûre qui garantit la liberté. La liberté n’est pas de choisir son travail. C’est un beau mensonge. Que l’on soit diplômé de Polytechniques ou sans diplômes ne change rien à l’affaire. Le choix tue le choix. On sait bien que choisir une voie, c’est surtout se fermer toutes les autres portes. Plus il y a de portes, plus le choix devient difficile à faire. Mais cela n’est pas le pire. Le pire réside dans l’instabilité consubstantielle de l’homme moderne sans attaches, ni dans ce monde ni dans l’autre monde. Ayant perdu l’invisible, l’homme moderne est peut-être celui qui craint le plus la mort, sans jamais y penser. Sauf que l’instabilité et l’absence de liens, ajoutées au fétichisme du changement et à la dissolution dans le divertissement rend impossible tout vrai choix.
Je vous le demande, qui est le plus libre entre celui qui hérite du métier de son père et celui qui se retrouve sur le marché de travail endetté par des études inutiles dans la vie pratique, et souvent inutiles dans la vie spirituelle – vous me direz peut-être utile dans la vie intellectuelle, si cette expression avait un sens ? L’endetté sur le marché du travail, jeune, s’inquiète chaque jour de son avenir. Il possède peu ou pas d’ancres, et il est mangé par des normes sociales qui attribuent le succès non pas au vrai mais au faux : celui qui réussit, celui qui est bon, n’est pas celui qui accomplit le bien dans le respect d’autrui, ni celui qui se comporte honorablement, mais celui qui se fait du fric, ou celui qui arnaque – on l’appelle un type habile et débrouillard. Il est coincé. Il doit travailler pour faire rentrer de l’argent et ne peut choisir des travaux de vocation- qui en général ne gagne pas, ou en tout cas pas tout de suite, d’un point de vue matériel. Il peut passer par des périodes d’instabilités et d’inquiétudes exceptionnellement terribles.
L’héritier, lui, est inclus dans les liens familiaux et peut-être dans des liens familiaux plus larges que ceux du sang. Il a un métier, celui de son père. Il ne l’a pas choisi, mais son père lui transmet la substantifique moelle de son art. Il ne faut pas croire que la majorité des hommes ont des vocations, il y aussi une importante part qui consiste à apprendre à aimer ce que l’on fait, apprendre à aimer après l’engagement. L’héritier possède une sérénité impressionnante en face du contemporain – héritier qui n’existe peut-être plus en France, mais qui existe au Japon. Il ne s’inquiète pas de l’avenir. En fait, mieux vaut toutes les pressions familiales pour continuer, plutôt que la fausse liberté contemporaine. La raison en est simple. Si j’ai une véritable vocation, je la réaliserai avec ou malgré les entraves familiales. Ces entraves sont de plus la garantie que la vocation est réelle car elle demande du courage. Le phénomène est analogue à l’amour du voyage : il existe des globe-trotters de sang, et tant mieux pour eux, mais nous sommes dans un siècle qui obligent les jeunes à s’exiler – s’ils ne s’expatrient par désespoir de leur pays.
En bref, l’homme est toujours libre de partir, c’est son libre-arbitre. Mais cela n’a pas beaucoup d’importance, ce qui compte c’est sa volonté et son cœur. De plus la famille possède les liens les plus forts qui rendent plus difficiles toute véritable rupture. La famille est équilibrée si elle a suffisamment d’enfants. Imaginez, vous avez un métier à transmettre. Vous avez cinq ou six enfants. Il y en aura bien un ou deux qui prendront le relais avec plaisir. Chacun aura la possibilité de faire de vrais choix. Dans la vie mieux vaut un ou deux choix réels, que cinquante mille choix de peccadille, sans résolution véritable.
Marché du travail et autres foutaises sont de la poudre aux yeux. En France, où la méfiance est généralisée, et où le lien fort n’existe plus dans le monde de la société civile – à la différence du Japon -, réussir en entretien d’embauche demande le même genre de qualités que celles pour se faire élire à des élections. En tout cas, comme on le sait, cela ne conditionne en rien la qualité foncière dans le travail ou la fonction, voire même, qui sait, l’entame peut-être forcément.
Vive l’héritage ! Construisez vos maisons pour que vos enfants puissent être véritablement libres.
Paul-Raymond du Lac
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