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[CAUSERIES JAPONAISES INÉDITES] La disponibilité comme une noblesse

CAUSERIES JAPONAISES INÉDITES

II. La disponibilité comme une noblesse

余裕 - Yoyû

Il existe en japonais un joli mot, yoyû, qui désigne une grande qualité personnelle, que l’on pourrait traduire en première proche par « disponibilité ». Le mot signifie plus exactement « marge », dans le sens « d’avoir du jeu », d’avoir un peu « en plus », de la « marge ». Si on décompose encore plus minutieusement le mot en regardant la signification des idéogrammes qui le compose, on découvre qu’il signifie « l’abondance de reste », c’est-à-dire une abondance supplémentaire qui permet d’être disponible, d’être tranquille.

Toute personne en contact avec le Japon expérimentera tôt ou tard cette qualité habituelle chez les Japonais, qui est cultivée comme le fruit et la noblesse d’une bonté réalisée. En définitive, la « disponibilité », le yoyû, est ce caractère qui permet de rester disponible, d’avoir cette, « marge » nécessaire, quel que soit la situation, et qui permet d’y répondre. Cette marge fera que, en allant au travail, si vous voyez un enfant perdu qui pleure, vous l’aiderez à retrouver ses parents, même si vous êtes en retard au travail. Cette marge fera que « vous n’êtes pas à cela près », et que vous pourrez indiquer à un étranger perdu, au prix d’un long détour, le lieu qu’il cherche. Cette « marge » habituelle contribue à la chaleur des rues, et à la sérénité collective, en concrétisant l’entraide, ou ne serait-ce qu’en donnant une oreille attentive à un inconnu, ou encore un simple sourire échangé devant une scène attendrissante, dans la rencontre de « deux esprits disponibles », etc.

La disponibilité d’esprit est certainement l’expression la plus éclatante de quelque chose de bon. Elle nécessite en effet une sérénité intérieure et un détachement des choses sans lesquels cette marge ne peut pas naître et sans lesquels on ne distingue plus ce qui nous entoure, les gens qui nous entourent, et ce qui est vraiment prioritaire. Mieux vaut aider la personne en détresse devant soi que de l’ignorer cruellement pour simplement arriver à l’heure au boulot. Si je suis habituellement à l’heure, arriver une fois en retard ne devrait pas être relevé, et même si cela l’était, le bien et le bon passent avant toute autre considération. Le détachement serein est aussi nécessaire pour contempler le monde et s’émerveiller. Il permet de plus facilement rentrer en communion avec un autre cœur, qui verrait aussi dans l’instant la même beauté. La « disponibilité » est l’expression extérieure, est l’accomplissement d’une force intérieure exceptionnelle.

L’effort à faire consiste à parvenir à conserver dans tous les cas cette marge. Cela est difficile et ardu. Parvenir à rester « disponible » en ayant de lourdes charges demandent beaucoup de noblesse. C’est d’ailleurs peut-être à cette « disponibilité » que l’on peut évaluer la qualité des « grands ».
Nous ne parlerons pas de l’inquiétante disparition de cette « disponibilité » chez nous, remplacée par la prolifération terrible de la mesquinerie, de ce qui est « petit », dans l’absence totale de « large » dans toutes les choses de la vie. Il ne sert à rien de s’apitoyer, il faut restaurer.

Il reste cependant encore quelque chose de plus beau, qui sublime de toute sa noblesse la simple « disponibilité ». Au Japon, être disponible ne suffit pas. Il faut encore ne pas montrer ce qu’il nous en coûte à autrui. Vous êtes perdu dans ce quartier, et une Japonaise pleine de yoyû vous conduit vers un lieu connu. Elle vous dira que c’est sur son chemin. Vous réalisez après coup qu’en fait, pas du tout. Vous aidez un enfant perdu en allant au travail, et vous arrivez très en retard. Vous direz que vous êtes inexcusable car vous ne vous êtes pas réveillé le matin même. Oui, cela est bon. Faire le bien pour le bien. Sans jamais vouloir ni l’étaler, ni tomber dans le mal de l’orgueil.

Japon, Japon, tu es bien plus christique que les pays du Christ. Que ton exemple nous aide à restaurer notre pauvre royaume de France.

Paul-Raymond du Lac

Pour Dieu, Pour le Roi, Pour la France

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