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Les fleurs de feu sont le nom nippon pour feux d’artifice. Ils constituent le décor familier de tout été nippon, et représentent fort bien la force tranquille et sereine de ce pays.
Il doit être assez difficile pour un Français d’imaginer ce que peut être un feu d’artifice nippon. Avant d’aller y assister en personne, je n’aurais même pas pu imaginer une seconde la variété, la sophistication et les beautés de ces fleurs de feu, sans aucune mesure avec nos feux d’artifice qui paraissent à côté rabougris, sans trop d’imagination et presque vulgaires.
On parle toujours des feux chinois, mais les Japonais considèrent que leur tradition des feux est bien plus grande, longue et valeureuse. La coutume veut en effet que les fleurs de feux soient l’occasion pour les familles, les jeunes et les vieux, les couples et les groupes d’amis, d’aller s’émerveiller devant la beauté du talent des artisans artificiers dans la démonstration éclatante que la poudre ne sert pas seulement à faire la guerre. Les fleurs de feu sont à l’artillerie ce que l’art équestre est à l’équitation militaire. On n’imagine pas l’excellence de ces feux qui époustouflent nos petits yeux pendant plus d’une heure dans une farandole de coups d’éclats et de tableaux plus forts les uns que les autres. Trois ou quatre fois croyons-nous voir un final dans ce qui ne vient que clôturer un petit tableau. Le seul regret de l’étranger allant voir ces fleurs pour la première fois se trouve dans l’absence d’un expert qui pourrait raconter l’histoire de ces fleurs, les exploits des maîtres d’œuvre derrière de telle ou telle école au moins plusieurs fois centenaires, qui se transmettent les secrets de confection et de composition comme autrefois nos guildes ou nos corporations d’artisans.
Mais l’exploit artistique et technique n’est rien comparé par rapport à tout le reste. Tout le reste ? C’est-à-dire la façon nippone de vivre ces fleurs de feu, dont la tradition se transmet depuis des générations. Pas de ces forains désobligeants, pas de gens bizarres typiques des fêtes contemporaines, qui finissent forcément si tard dans la nuit. Non, tout simplement profiter de la tombée d’une nuit d’été, vers sept heures, pour aller s’installer au bord d’une rivière qui apporte une idée de fraîcheur et se restaurer quelque peu en admirant simplement, naïvement, purement ces fleurs de feu. Se délecter ensemble de la beauté d’une soirée d’été embellie par le talent des hommes artistes.
C’est l’occasion pour de nombreux Japonais de sortir Yukata pour les filles, et autres habits traditionnels pour les hommes. Chaque « grande rencontre » de fleurs de feux possède ses spécificités et la région du Kanto donne de quoi voir admirer chaque semaine de l’été ici ou là. L’émulation -et non la compétition- des différentes écoles et d’année en année doit être vraiment positive pour parvenir à donner à voir un spectacle si abouti sans, du moins aux yeux du néophyte, un couac.
Si la commune semble soutenir et organiser la logistique autour de périmètres fermés à la circulation et en mobilisant policiers et pompiers pour aider à l’organisation, les fonds proviennent d’une association de riverains, qui passent parmi la foule assise pour récolter les fonds pour l’an prochain.
Les foules sont calmes et paisibles. Le plus impressionnant est peut-être l’après feu d’artifice, où il faut bien compter deux heures pour rentrer là où l’aller prenait 20 minutes. Tout le monde rentre en effet en même temps, et les transports n’ont pas grossi entre temps. On pourrait dire que c’est Paris lors de la fête de la musique, sauf que ni CRS, ni désobligeants, ni saletés se sont de la partie, et certainement pas pour une « fête » inventée de toute pièce pour distraire et détruire. Seulement un peuple clame, civilisé, serein, émerveillé et désaltéré par une belle soirée, alors même que l’atmosphère sent la poudre, sans jeux de mots ; ici la poudre n’est forcément signe de violence. La densité par mètre carré était certainement l’une des plus élevés du monde. Mais nous le savons, il suffit d’un barbare pour remplir un espace vide, d’un désobligeant pour vous oppresser plus que n’importe quelle foule de Japonais, d’’un seul républicain pour vous détruire des centaines d’année de transmission. S’il fallait une analogie qui pourra parler à beaucoup, on se sent encore plus en sécurité comme dans les immenses foules de la manif par tous : il faut le vivre pour le croire.
Oui, en France aussi ces foules calmes et sereines existent encore. Mais malheureusement, il semble qu’on ne les voit que trop rarement hors de ces manifestations : existe-t-il encore de ces grands rassemblements poursuivant la tradition et ouvert à tous comme ces fleurs de feu, dont le seul but est de goûter l’été, la beauté de l’art pyrotechnique dans une douce communion inattendue avec les compagnons de tout âge ?
Dans l’hypothèse même que nous ayons eu notre tradition de « fleurs de feu », il ne serait pas étonnant qu’elle n’existe plus aujourd’hui. Plus personne ne voudrait ni financer, ni risquer chaque année des dérapages plus que probables dans une société qui devient de plus en plus barbare.
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